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 Bourdon, Michel , Chevalier de la LH

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Jean-Yves
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MessageSujet: Bourdon, Michel , Chevalier de la LH   Bourdon, Michel , Chevalier de la LH Icon_minitimeMer 11 Mar - 21:51

Campagnes de guerre du chevalier Bourdon, de Condé sur Iton (1793 - 1810) de M. Bernard Lizot (Bulletins n° 17-18)

Première partie

Il y a quelques années le hasard mit entre nos mains un cahier manuscrit, d'une cinquantaine de pages, intitulé: "Campagne de guerre du chevalier Bourdon, de Condé sur Iton". Bien que l'existence de ce brillant soldat nous fut connue, notre surprise fut malgré tout entière, car ce texte relate de façon détaillée et parfois pittoresque, l'ensemble des campagnes que Bourdon - né à Condé en 1775 - fit sous la Révolution et l'Empire.

Dix sept années pendant lesquelles il courut l'Europe, souvent dans le sillage de Bonaparte d'ailleurs, aimant le combat, fuyant les honneurs et toujours protégé par la chance. Rentré en France en 1810 et mis à la retraite pour raison de santé, il vivra encore de nombreuses années à Condé. C'est cette odyssée, celle d'un enfant du pays, le chevalier Michel Bourdon, que nous allons conter en utilisant le texte des ses mémoires.

C' est alors qu il n' a pas encore 18 ans, en mai 1793, que Bourdon quitte la ferme familiale de la Chesnaye à Condé.

"Au commencement de mai je suis parti d'Évreux pour me rendre à l'armée du Nord, à Lille. Je fus incorporé dans le cinquième chasseur franc, à pied".

Cette unité appartenait à l'infanterie de ligne dans laquelle Bourdon fera toutes ses campagnes. On se souvient qu'au début de 1792, le gouvernement avait déclaré la guerre à l'Autriche, alliée de la Prusse et que c'est par le Nord, l'Est et la Belgique que les hostilités commencèrent.

1794. Bourdon est présent à la bataille de Fleurus avec Jourdan, puis au combat de Maastricht:

"Je fus des neuf qui passèrent à la nage la Ruhr, rivière très rapide, nous avions marché sur les derrières de l'armée autrichienne, dont une partie se sauva et l'autre fut faite prisonnière. Le lendemain nous avons été nommés tous sous-lieutenants, mes camarades ont accepté l'épaulette, moi j'ai refusé, voulant rester simple chasseur."

C'est là un trait de caractère de notre homme. Il refusera presque toujours les grades et les honneurs, n'étant intéressé que par le combat et les missions difficiles. Si l'affaire de Maastricht s'était plutôt bien passée pour lui, il en gardera néanmoins les stigmates: un coup de sabre au visage.

1795. Le théâtre des opérations militaires s'élargit, le régiment de Bourdon participe à la campagne sur le Rhin : Bonn, Coblence, Mayenne. Bientôt l'ordre est donné de descendre à marche forcée vers Nice et la Savoie. Après un long parcours, toujours à pied naturellement, qui traverse l'Alsace, la Franche-Comté, le Dauphiné et la Provence, notre troupe arrive à Menton. Sous les ordres du général Schérer, elle a pour mission de forcer le passage pour aller en Italie vers Gênes et le Piémont, pour refouler les autrichiens.

Nous avons été deux mois à monter sur la cime de la montagne une pièce de 36 à bras qui battait sur terre et sur mer (golfe de Gênes). A Loano nous avons passé la rivière pour prendre la redoute des autrichiens. Nous avions de l'eau jusqu'à la ceinture, l'affaire fut très chaude et nous avons battu l'ennemi complètement. Nous étions alors très malheureux, sans vivre, sans habillement, sans solde et nous avions pris nos campements d'hiver près de la mer" (région de Savone).

On s'imagine bien nos combattants mal équipés, mal nourris, mais disciplinés et armés d'un idéal républicain à toute épreuve. Ce sont bien là les célèbres soldats de l'an II, immortalisés par Victor Hugo et le dessinateur Raffet.

1796. En France un nouveau régime s'installe : le Directoire, lequel sera vite aux prises avec mille difficultés, mais dans le même temps s'annonce la révélation du génie militaire d'un grand capitaine :

"en mars nous reçûmes l'ordre que nous avions un nouveau général en chef qui se nommait Bonaparte. C'est à Querasque qu'il nous dit qu'il était notre général en chef et que nous avions une petite campagne à faire ensemble".

Une petite campagne! Bonaparte sera dès lors omniprésent sur le théâtre des opérations, assisté entre autre de Masséna, Augereau et Berthier.

"Bonaparte nous passa en revue et forma cinq bataillons de grenadiers et de carabiniers d'avant-garde et nous fit aller à marche forcée vers les autrichiens (...) dans la nuit Bonaparte fit faire deux ponts sur le fleuve (le Pô) pour passer le gros de l'armée. Dans cette journée nous avons poursuivi l'ennemi si rapidement qu'en passant dans une petite ville il se réfugia dans l'église et les couvents. Nous reçûmes l'ordre d'aller à marche forcée sur Lodi. En y arrivant, le général Berthier dit à la tête du bataillon qu'il ne fallait pas s'arrêter en ville pour boire ou manger.. nous avons franchi le pont au pas de course... ce fut le 10 mai que nous nous sommes emparés de ce passage qui décida du sort de l'Italie".

C'est la célèbre victoire de Lodi remportée sur les autrichiens. Bourdon, là comme en bien d'autres circonstances, pourra dire: J'y étais !

Les opérations militaires ne s'arrêtent pas pour autant, car ce que Bonaparte vise désormais, c'est Mantoue qui verrouille le passage vers l'Autriche. La lutte pour cette place forte va durer 6 mois, marquée par de nombreux engagements avec l'ennemi à Plaisance, Castiglione, Rivoli et autour de la rivière l'Adige. Bourdon nous détaille minutieusement cette campagne, mais ce qui ressort surtout de son récit c'est le magnétisme que le nouveau général exerce sur ses troupes. Nos soldats ont reçu là un grand chef, toujours présent sur le terrain et attentif à ses hommes.

"Le général Bonaparte vint nous voir à nos bivouacs et nous demanda si nous avions des vivres ; on lui dit que non, qu'il y avait quatre à cinq jours qu'on ne nous en avait pas délivré. Il dit que nous devrions en avoir, que ça sentait la viande cuite et qu'il voulait manger notre volaille, nous l'ayant caché sous la paille. Nous les découvrons, ainsi que du pain et du vin, qui y étaient également cachés. Il prit son coco, puisa du vin, en but, et passa son coco à la ronde plusieurs fois et tout le monde but dedans... sur l'après-midi, l'ennemi ayant forcé notre gauche, il donna l'ordre à son épouse de partir pour se rendre en sûreté à Castiglione. En montant en voiture les larmes coulaient de ses yeux..."

Il est vrai. que Joséphine venait tout juste d'épouser Bonaparte quelques mois plus tôt (Mars 1796).

1797. En janvier, trois jours de combat qui se conclurent par la victoire de Rivoli, vingt-deux mille hommes furent faits prisonniers avec tout leur état-major. Après les prises de Mantoue et de Rivoli Bonaparte marche sur Vienne, c'est la campagne du Tyrol.

"Tous les jours nous étions attaqués devant, derrière et sur les flancs par les partisans tyroliens, jamais nous n'avons vu des paysans se battre avec autant d'acharnement, ils tombaient sur nous avec des bâtons et des clous tout autour.. alors nous avions pour généraux de division Joubert et Baraguey d'Hilliers".

Un court répit va s'installer avec la paix de Leoben (18 avril) mais des troubles étant apparus en Vénétie l'armée redescend vers le sud : Vicence, Bassano, Trévise puis Venise.

"A Venise nous avons délivré les juifs de l'esclavage (...) quelques semaines après les habitants reçurent l'ordre de descendre les chevaux de bronze de la cathédrale. Ils ne voulurent pas le faire, plusieurs tentatives furent faites pour égorger la garnison mais comme nous avions les juifs avec nous ils nous ont prévenu des complots. Dans l'espace d'un quart d'heure les troupes occupèrent les forts, les habitants furent sommés de descendre les chevaux où que la ville allait être réduite en cendre. Lorsque les chevaux furent descendus on les mis dans des barques pour les sortir de la ville, d'où ils ont été transportés en France."

1798.

"Quand le général Bonaparte fut parti pour l'Egypte nous avons commencé à être malheureux. Une partie des régiments se révoltèrent faute de solde, principalement la garnison de Mantoue qui savait que les généraux avaient reçu de l'argent et que depuis cinq mois nous n'en avions pas touché. Ils braquèrent des pièces de canon à la porte des généraux et commissaires des guerres et demandèrent que l'armée fut payée dans les vingt-quatre heures. L'armée entière qui suivait ce mouvement fut payée et la tranquillité rétablie".

A la suite de ces incidents qui se passèrent dans la région d'Arcole, le corps de troupe auquel appartenait Bourdon se rendit à Brescia où il cantonna environ un an.


1799. Profitant de l'absence de Bonaparte et de certaines maladresses du Directoire, l'Angleterre forme contre la France une seconde Coalition comprenant entre autre, Naples, l'Autriche, la Russie et la Turquie. Les combats continuent donc contre l'Autriche mais le moral n'y est pas :

"Nous quittons Breschia pour Pesquer.. nous voyons arriver tous les jours des renforts aux avant-postes autrichiens... et nous soldats et officiers nous voulions poursuivre l'ennemi de l'autre côté de l'Adige mais les généraux ne le voulurent pas. Nous disions tous que si Bonaparte était là nous prendrions aujourd'hui Vérone, mais nous voyions bien que nous étions trahis."

Pendant ce temps les évènements politiques s'accélèrent en France : faillite du Directoire, retour précipité de Bonaparte d'Egypte en août, puis enfin coup d'état du 9 novembre. Plus connu sous l'appellation de Coup d'Etat du 18 brumaire, ce coup de force installe en France un nouveau régime; le Consulat qui va ouvrir grandes les portes du pouvoir à Bonaparte, qui devient Premier Consul.

En Italie la guerre éternise, les troupes russes arrivent sur le front :

"A Novi, le général Joubert voulut donner une charge avec notre cavalerie, il s'est trouvé tué et sa mort fut connue comme l'éclair dans toute l'armée".

Les choses tournent mal, l'armée française subit défaite sur défaite.

"Nous étions sans solde, sans habillement, tout ce que nous prenions était pour nous et notre division. Nous avions nos bouchers, nos boulangers et meuniers pour faire moudre les grains que nous pouvions attraper. La nuit nous allions dans les bourgs et les villages pour emmener les plus riches propriétaires en otages et nous les renvoyions que quand ils nous avaient fait donner des vivres".

Mais c'était la fin, il fallait quitter l'ltalie, les pertes avaient été nombreuses et ce qui restait de la troupe était usé et humilié. Ordre est donné de se replier en France, à Dijon, pour reconstituer le régiment.

1800. Cantonnement en Côte d'Or près de Beaune, repos et instruction de jeunes recrues. En effet, "la petite campagne" dont avait parlé Bonaparte à ses soldats en 1796 à Querasque ne fait que commencer : il reste quinze années de guerre à venir !

"Bonaparte arrive à Dijon, nous passe en revue... tous les jours il passait sans cesse des troupes en revue et le lendemain les régiments se dirigeaient sur l'ltalie. Bientôt nous reçûmes l'ordre de quitter la Côte d'Or pour nous rendre en Suisse. Alors que nous étions à Lausanne en cantonnement nous eûmes une affaire français contre français. Bonaparte avait formé une légion à pied et à cheval des émigrés qui étaient rentrés en France. Ils ont cherché querelle à notre régiment et nous ont insultés. Nous nous sommes battus. Un maître d'arme de notre régiment battit en retraite dans un cul de sac de la ville, toujours le sabre à la main et en mit dix-sept hors de combat. Notre général de brigade Devaux fit battre la générale pour faire cesser cette boucherie, il les fit bivouaquer deux jours hors de la ville et nous dedans consignés. Les ordres du ministre de la guerre les firent partir à l'armée du Rhin".

Ces soldats là était vraiment extraordinaires, même en l'absence d'ennemis ils réussissaient à se battre !

"Départ pour le pays des Grisons où l'on a formé l'Armée des Grisons commandée par le général Macdonald. Arrivés à Chiavenna.. nous occupions les villages où nous allions deux fois par jour à la découverte. Un jour le général Devaux nous dit: ceux qui m'amèneront les premiers prisonniers, je leur ferai présent d'une carabine d'honneur. En gravissant la montagne mon capitaine me dit : Bourdon tu vas prendre à droite en éclaireur pour découvrir les postes. Je lui répondis: mon capitaine c'est toujours à moi d'aller à la découverte sur la droite. Aujourd'hui je n'irai pas, je vais droit à la redoute..."

Succès du coup de main, Bourdon fait prisonnier soixante-dix soldats ennemis.

"Le général prit mon nom par écrit ainsi que le colonel Vedel pour me faire obtenir une carabine d'honneur.. je suis encore à l'attendre".

L'armée des Grisons établit ses cantonnements à Botzen.

1801.

"Arrêt à Roverdo près de Trente (Tyrol autrichien) où nous sommes restés près d'un mois. Le général Vandamme nous y fit habiller tout à neuf puis fit former des ambulances pour nous faire guérir de la galle".

Durant cela les autres corps d'armée remportaient succès sur succès contre les autrichiens : victoires de Montebello, Marengo, Hohenlinden, qui conduisirent à la paix de Lunéville (9 février).

Le régiment de Bourdon rentre en France par le Mont-Cenis, Genève, Saint-Gall, Berne, Lausanne, Ferney-Voltaire, pour enfin prendre des cantonnements à Blois pour vingt mois.

1802. Bourdon cantonné à Blois durant vingt mois, on peut supposer qu'il vint rendre visite à sa famille à Condé. Mais curieusement, dans ses souvenirs, il ne fait jamais la moindre allusion à sa vie privée ou à sa famille, famille dont nous parlerons en fin d'étude.

En matière politique, l'année 1802 est mise à profit par le premier Consul pour continuer le redressement de la France : Traité d'Amiens avec l'Angleterre et Concordat avec le Saint-Siège, conduisant au rétablissement du culte catholique.

1803. L'année 1803 est marquée principalement par la rupture de la paix d'Amiens, qui va conduire Bonaparte à envisager un débarquement en Angleterre (camp de Boulogne), ainsi que par une importante agitation royaliste. Dans le même temps et après vingt mois de cantonnement à Blois, le régiment de Bourdon rejoint Strasbourg.

" ... à Strasbourg où quelques temps après y être arrivés, il est parti deux bataillons de notre régiment pour le Camp de Boulogne. Nous, du troisième bataillon restant à Strasbourg jusqu'en 1806".

1804. "Pendant que nous étions dans cette ville nous avons passé le Rhin au pont de Khel, au milieu de la nuit pour aller prendre le duc d'Enghien qui était à Bissopsein. Nous étions un détachement de chacun des régiments qui formaient la garnison de Strasbourg. Nous l'avons pris et conduit à cette ville, où il est parti de suite pour Paris".

C'est la célèbre affaire de l'enlèvement du duc d'Enghien qui eut lieu dans la nuit du 14 au 15 mars. Deux mois plus tard, c'est la proclamation d'Empire (18 mai 1804).
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MessageSujet: Re: Bourdon, Michel , Chevalier de la LH   Bourdon, Michel , Chevalier de la LH Icon_minitimeMer 11 Mar - 21:53

Deuxième partie


1805. Le nouvel empereur est vite confronté à de sérieuses difficultés extérieures, avec l'apparition de la Troisième Coalition qui le conduira à porter la guerre en Autriche et en Allemagne. Après la victoire d'Austerlitz (2 décembre) le bataillon de Bourdon quitte Strasbourg pour rejoindre son régiment, bataillon de Strasbourg plus les deux bataillons de Boulogne - lequel va séjourner alors quelques temps à Darmstadt (Hesse), intégré à la division du général Suchet.

1806 L'Histoire va vite alors et après la Troisième Coalition qui prit fin avec le traité de Presbourg (26 décembre 1805), apparaît aussitôt un nouveau pacte ennemi, réunissant Angleterre, Prusse et Russie, c'est la Quatrième Coalition.

"... On parlait tous les jours que nous allions faire Campagne en Prusse. La guerre fut déclarée, on nous forma en six compagnies de grenadiers d'avant-garde. Nous quittons nos cantonnements pour aller trouver l'ennemi. Nous nous sommes rencontrés à Saalfeld le 10 octobre où nous eûmes un combat d'avant-garde et le prince Louis de Prusse fut tué... nous les avons battus et poursuivis et passé une petite rivière par peloton en nous tenant tous par la main, ayant de l'eau jusqu'à la ceinture... trois jours après nous les avons rencontrés à Iéna".

Il s'agit bien sûr, sous ces mots anodins, de la bataille d'Iéna qui eut lieu le 14 octobre.

"... nous avons de suite progressé à marche forcée sur Postdam. Nous grenadiers d'avant-garde (Notons que Bourdon est toujours en premières lignes) avons occupé de suite le palais, la nuit étant arrivée. L'Empereur Napoléon est arrivé avec sa garde, qui nous a remplacé et nous avons logé chez les bourgeois de la ville. Lorsque l'Empereur eut visité le palais il trouva le bâton royal du grand Frédéric et dit qu'il ne le donnerait pas pour dix millions".

La poursuite de l'armée prussienne va se continuer durant toute la fin de l'année 1806. La troupe à laquelle appartient Bourdon marche vers le nord en mettant en pièce, jour après jour l'ennemi. Ce fut une véritable débâcle, les villes tombant les unes après les autres : Spandau, Stettin... et les soldats ennemis capitulaient par milliers.

"...nous sommes restés deux jours à Stettin pendant lequel temps le maréchal Lannes nous passa en revue et nous dit peu après en ces termes : « Français nous avons fait dans sept jours ce que nos ancêtres n'ont pas fait dans sept ans, nous avons mis hors combat près de 400 000 hommes, il n'y en a pas dix qui aient repassé l'Oder, les Russes viennent à leur secours, nous allons leur épargner la peine de venir ici nous irons au devant d'eux » notre division reçut aussitôt l'ordre de marcher sur Varsovie".

De Stettin à Varsovie il y a environ 500 km à vol d'oiseau, mais nos soldats sont loin de procéder ainsi et vont d'abord descendre vers le sud, par Francfort sur l'Oder, Posen et Kalich. Là, dans cette ville de Sibérie, ils prendront une semaine de repos, reconstituant leurs forces après la longue marche qu'ils viennent d'accomplir, environ 400 km, mais à ce moment là ils ne sont qu'à mi-parcours pour Varsovie car il reste une distance équivalente à parcourir.

1807.

"...de Kalich nous fûmes à Varsovie où nous avons couché une nuit le lendemain au matin nous passâmes la Vistule, pour nous rendre à Pultuck où nous sommes restés quelques temps, nous y étions bien mal, de la neige, du froid..."

Mais désormais nos soldats sont confrontés à un ennemi nouveau : l'armée Russe et les choses seront beaucoup moins aisées qu'avec les Prussiens. La progression va s'effectuer ainsi: Varsovie, Dantzig, Eylau, Friedland et se terminer par la paix de Tilsitt (juillet 1807). Après Varsovie et Pultuck, la troupe continue sa marche vers le nord mais est bientôt arrêtée à Ostrolenko où les Russes et Cosaques interdisent le passage de la Narew, mais écoutons plutôt Bourdon :

"nous avons foncé sur l'ennemi à la baïonnette, nos canonniers lancèrent deux coups de canon chargés à mitraille et nous les avons mis en pleine déroute. Nous les avons poursuivi à peu près deux lieues de chemin, dans la neige fondue, sur un lac, ayant de l'eau jusqu'aux genoux. Le lendemain nous avons été remplacés par le 5ème corps d'armée et nous reçûmes l'ordre de traverser les forêts pour nous rendre à Eylau... où nous avons pris des cantonnements... quelques semaines après l'Empereur nous passa en revue et donna ordre au général Oudinot de nous rendre au siège de Dantzig... là nous étions logés dans un village voisin. Nous faisions la grande manœuvre deux fois par jour, le matin tout en bleu et le soir en pantalon blanc, plumet et épaulettes... c'était pour faire voir à l'ennemi que nous étions beaucoup de monde".

Il ne semble pas que la brigade à laquelle appartenait Bourdon ait pris part directement à la bataille d'Eylau. Une précision sur la structure militaire dans laquelle notre condéen était intégré, la Grande Armée était organisée par Ney, l'une de ses divisions par Oudinot et la brigade de Bourdon par le général Corne. Si la brigade à laquelle appartenait notre compatriote ne prit pas part à la bataille d'Eylau, elle participa par contre pleinement à celle de Friedland quelques mois plus tard.

"... à un moment nous n'étions que notre division de réunie devant l'armée Russe. Notre brigade commandée par le général Corne était sur la droite dans un bois de sapins d'où les russes nous ont chassé trois fois et trois fois nous l'avons repris à la baïonnette. Moi j'eus deux fusils de coupés dans les mains par la mitraille. A deux heures de l'après-midi le 6ème corps d'armée vint nous relever"

Peu après, la campagne de Pologne va s'achever par la paix de Tilsitt. Les combats qui s'étaient enchaînés sans discontinuer avaient été très durs et les pertes nombreuses. Après Tilsitt les troupes se retirèrent à Königsberg

"où on nous a délivré des vivres ayant onze jours que nous n'avions eu de pain, nous vivions de ce que nous pouvions attraper".

1808. Après Tilsitt: la division de Bourdon resta plusieurs mois à Dantzig, son commandant le général Oudinot - nommé gouverneur de la ville -, eut dans cet intervalle de temps un accident de cheval et se cassa une jambe. Ce fut le général Rapp qui le remplaça momentanément, faisant régner une discipline sévère parmi la troupe : augmentation du prix du vin, interdiction de caserner chez les bourgeois. Bourdon qui insiste sur cette situation dit tout net

" ... le général Rapp nous rendit très malheureux".

En septembre la troupe quitta le pays et, après une longue marche à travers la Prusse et la Saxe, par Glogau, Posen et Dresde, elle établit ses cantonnements à Hanau, près de Francfort sur le Main et pas très loin de Darmstadt, d'où elle était partie trois ans plus tôt.

1809. La guerre d'Espagne, dans laquelle Napoléon s'était malencontreusement lancé, va mobiliser contre lui, une nouvelle fois, l'Angleterre et l'Autriche, lesquelles nations vont constituer ce que l'Histoire a retenu sous le nom de Cinquième Coalition. Et la guerre reprend ! La troupe se met en mouvement pour une nouvelle campagne d'Autriche et traverse Cassel, Mayence, Darmstadt Stuttgart.

"A Stuttgart le roi de Wurtemberg nous passe en revue, en défilant devant lui le général Oudinot perdit la garde de son épée, moi je la trouvai dans la poussière. Il fit battre à l'ordre si les grenadiers ne l'avaient pas trouvée, on lui dit que c'était Bourdon sergent des carabiniers qui l'avait, je fus lui remettre et il me donna un Napoléon de vingt francs pour moi".

Le 21 avril, combat victorieux à Landshut contre les Autrichiens :

"tous les pontons, équipages et pièces de gros calibre furent pris, le 22 nous avons défilé dans la ville. Nous croyions l'Empereur en Espagne; pas du tout ; il était à un balcon à nous voir défiler".

La progression vers la capitale autrichienne se poursuit par Passau, puis la vallée du Danube, mais les combats sont nombreux et souvent difficiles et les autrichiens détruisent systématiquement tous les ponts. Près de Linz, la ville d'Ébelsberg est prise, mais l'ennemi en pleine déroute y met le feu :

"trois quarts d'heure après elle était réduite en cendres... dans cette journée nous avons eu de notre division plusieurs compagnies dont il n'est resté que 10 à 12 hommes. Dans la nuit l'Empereur arrive à notre division et on lui dit que nous avons beaucoup souffert... il ordonna que nous marchions sur Vienne ! nous y sommes arrivés le 11 mai".

Quelques jours plus tard, c'est la bataille d'Essling (22 mai) à laquelle participa Bourdon et où le maréchal Lannes perdit la vie. Quant à notre grenadier voici une anecdote :

"j'avais une gourde pleine de vin à la monture de mon sabre qui fut emportée par un boulet"

Effectivement le projectile dut passer assez près du soldat, d'où son émotion ! Quelques jours après et à peu de distance, nouvel affrontement sur le plateau de Wagram, qui se conclut par unee victoire difficilement et chèrement acquise. Les combats furent violents, mais le courage et l'intrépidité des hommes firent merveille. Un fait parmi d'autres:

"une lieue plus loin dans la même plaine (de Wagram) il y avait un carré d'infanterie autrichienne que nos hussards et chasseurs à cheval ne pouvaient enfoncer. Le général Oudinot dit à notre général de brigade Corne : enfoncez ce carré avec votre brigade. Nous avons marché dessus en carré et nous les avons presque tous détruits, sans perdre beaucoup de monde".

Peu après :

"... le 7 août le prince Berthier, au nom de l'Empereur Napoléon me donna la croix de chevalier de la Légion d'Honneur, après nous avoir passé en revue. Peu de temps après l'on mit à l'ordre que la Toison d'Or allait exister, je fus désigné pour l'avoir, il n'y en avait que 3 par régiment, je n'en ai pas entendu parlé depuis".

Gageons que cette croix de la Légion d'honneur, vraiment méritée, fit terriblement plaisir au sergent Bourdon.

Bientôt la campagne va se terminer, la France victorieuse imposera à l'Autriche une paix très dure par le traité de Vienne (14 octobre 1809). La division de Bourdon reçut bientôt l'ordre de prendre la direction de la France.

"nous avons traversé Vienne pour nous rendre à Linz. La division y resta cantonnée quelques temps. Notre compagnie et une de voltigeurs furent désignées pour escorter un trésor qui partait de Vienne pour Strasbourg".

1810. C'est le retour en France de la division Oudinot, qui se dirigera ensuite vers l'Espagne, où la guerre se poursuit. Mais Bourdon est malade d'une "Goutte sciatique' et soigné à l'hôpital de Bayonne. Son état étant jugé grave, le général décida sa mise à la retraite.

"15 jours après on me renvoya dans mes foyers".

Michel Bourdon, le soldat dont nous avons conté ici l'odyssée, était né à Condé sur Iton le 10 octobre 1775 de Louis Bourdon garçon meunier et de Geneviève Barbey sa femme. Baptisé le jour même par l'abbé Lemaître, il eut pour parrain Claude Thuillier; laboureur et pour marraine Marie Mahot, femme de Michel Jarre, tous deux de Condé. Quelques années plus tard Louis Bourdon, le "garçon meunier" -, acquit une petite ferme au hameau de La Chesnaye, paroisse de Séez-Moulins (réunie à Condé en 1791) et s'y installa comme marchand bladier, c'est-à-dire qu'il faisait commerce de grains et plus particulièrement de blé. C'est à la ferme de La Chesnaye que Michel Bourdon passa sa jeunesse avec ses nombreux frères et sœurs, cette propriété existante est la fermette qui se trouve sur le chemin reliant le hameau de La Chesnaye à celui du Bois de Fayot et appartenant à Monsieur Charles Jackson.

Louis Bourdmi, marchand bladier et Genevieve Barbey eurent au moins neuf enfants :

1 - Michel Bourdon né en 1775 notre soldat.

2 - Louis Bourdon, né en 1768, lui aussi garçon meunier (1811). De son mariage avec Marie Adélaïde Desseaux, il eut plusieurs enfants garçons et fille. Il vécut à Condé toute sa vie.

3 - Jacques Bourdon, habitant Rolleboise en 1819.

4 - Marie Madeleine Bourdon (1771-1843). Épousa Simon Védie et vécut à Condé.

5 - Marie Anne Bourdon. Épousa Pierre Rayer dit Lexpert, marchand de vaches à Condé.

6 - Bourdon. Épousa Jean Millet cultivateur à Corneuil.

7 - Bourdon, Épousa Nicolas Alexandre Flaunet.

8 - Bourdon. Épousa Nicolas Drouet cultivateur à Morainville.

9 - Prudence Bourdon. Épousa Jean Baptiste Mussat-joly, de Paris.

Après le décès de Geneviève Barbey (1799) et de Louis Bourdon (1802) la ferme de La Chesnaye resta quelques années en indivision, puis fut vendue en 1819 à un nommé Louis Després.

(A suivre)
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MessageSujet: Re: Bourdon, Michel , Chevalier de la LH   Bourdon, Michel , Chevalier de la LH Icon_minitimeMer 11 Mar - 21:53

C'est en 1811 nous l'avons vu que Michel Bourdon, après avoir fait dix-huit ans de campagnes militaires, fut réformé pour raison de santé. Lors de sa mise en congé il est qualifié de "sergent retiré du 17ème régiment d'Infanterie Légère". Sa Légion d'honneur qu'il a obtenue en 1809 lui vaut par ailleurs une pension viagère et l'appellation flatteuse de chevalier. Rentré dans ses foyers, sans doute à la ferme familiale de La Chesnaye, il ne tarde pas à trouver une femme et se marie dès décembre 1811, son épouse se nomme Marie Rossignol et elle est originaire de Damville. Deux enfants naîtront de cette union, Michel en 1812 et Suzanne Adélaïde en 1826. Comme militaire réformé, Bourdon pouvait prétendre à un emploi réservé, qu'il obtint d'ailleurs rapidement. En effet, quelques mois après son retour à Condé il s'établit comme débitant de tabac dans cette commune. Cette fonction, rattachée à l'Administration des Contributions Directes, était autrefois confiée à des personnes de confiance, anciens militaires assez souvent, et nécessitait la prestation d'un serment. Par celui-ci on s'engageait très officiellement à ne pas altérer le tabac vendu, à faire connaître à la Régie Centrale les fraudeurs et à coopérer avec l'Administration pour l'arrestation des contrevenants. Assurément notre ancien soldat devait avoir le bon profil ! Quatre ans plus tard Bourdon acquiert l'auberge du Lion d'Or, située dans le bourg même de Condé. Aubergiste et débitant de tabac, il vivra désormais ici jusqu'à son décès en 1848.

L'auberge du Lion d'Or (au lit on dort), que venait d'acheter Michel Bourdon, était un établissement ancien mentionné dès avant la Révolution. En 1772, son propriétaire endetté, Louis Houel, avait dû s'en séparer. Elle fut alors acquise par Marin Chrétien, originaire de Beauche près de Verneuil, lequel la garda vingt ans. En 1792 celui-ci vendit à son tour le Lion d'Or qui fut acquis par Louis Charles Audiger. Ce dernier appartenait à une très ancienne famille de Condé, dont une branche tint autrefois le tabellionage épiscopal du lieu (Robert Audiger tabellion en 1659, Urbain Audiger tabellion en 1645... etc.). Ce sont les héritiers de Louis Charles Audiger qui vendirent le Lion d'Or à Michel Bourdon. Un acte de succession daté de 1846 décrit ainsi l'auberge: "une maison appelée l'Auberge du Lion d'Or, composée de cuisine, salle à manger, cabinet, deux chambres hautes, grenier, deux caves basses, portion de cour derrière et écurie avec un jardin donnant sur la rive aux Coquet". Par la suite Bourdon acheta la maison voisine, ce qui fit que l'auberge du Lion d'Or était composée de deux corps de bâtiments contigus mais distincts. Les choses sont restées ainsi jusqu'à notre époque. Aujourd'hui l'ancienne auberge a été acquise par la ville de Malakoff qui y a installée sa Maison des Anciens.

Michel Bourdon décédé en 1848, ce fut sa fille Suzanne Adélaïde qui lui succéda, son frère Michel n'ayant jamais pris d'état particulier et étant célibataire, Suzanne Adélaïde Bourdon, nouvelle maîtresse du Lion dOr, épousa l'année suivante (1849) Isidore Charles Morel. Ils eurent un fils, Amand Isidore, né en 1850, et qui fut longtemps maréchal ferrant à Condé sur Iton. Par la suite on trouve comme propriétaire de l'auberge:

- Fournier, 1900 - Heulin 1901-1908, c'est lui et son personnel qui sont représentés sur une carte postale ancienne - Mercier 1914 - Lhoste 1932.

Dès la Restauration le culte de l'Empereur se développa un peu partout en France, entretenu par les anciens soldats de l'Épopée, ceux que l'on appelait les demi-soldes et aussi par les opposants politiques au régime de Louis XVIII. Ce fut bien le cas à Condé où exista un foyer bonapartiste autour de Charles Gazzani, propriétaire du château et mari d'une ancienne maîtresse de l'Empereur. A Condé, Bourdon n'était pas le seul vétéran des guerres napoléoniennes. Un état de 1816 mentionne une bonne douzaine d'anciens soldats habitant sur la commune. Comme gradés : Pierre Delorme capitaine, Ambroise Mabire lieutenant, Jean Baptiste Laurent, Pierre André Coquet, Pierre Urbain Gautier, Mathurin Breton et Michel Bourdon, tous ces derniers sergents. Parmi les simples soldats citons : Jean Baptiste Andrieux, Pierre Bicheray, Etienne Gautier, Jean Saillard, Français Pichot, Pierre Gentès, etc...

Les auberges, celle de Bourdon ou bien encore celle de Pierre Delorme l'ancien capitaine, étaient naturellement des lieux où se retrouvaient nos demi-solde. Là, entre eux, ils se racontaient leurs campagnes et exaltaient le nom de l'Empereur.

Quant au maire, Le Vacher d'Urclé, riche propriétaire et manufacturier, il possédait et exploitait le haut fourneau de Condé, il gérait très adroitement la politique, l'industrie... et ses affaires personnelles comme savaient si bien le faire tous les Le Vacher.
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