Je vous présente une projet qui mijote depuis un petit moment, je pense même qu'il a du coller dans le fond de la casserole.
LES BATAILLONS D INFANTERIE LEGERE CORSE
La Corse, montagne immergée dans la Méditerranée n'a cessé d'attiser les convoitises. Son histoire est une suite incessante d'invasions et de luttes. Ses habitants ont dans leurs gènes un patriotisme ardent, et un sens inné de la guerre.
Comme les Suisses et les Ecossais, pendant longtemps les Corses étaient réputés pour leurs qualités militaires, et nombres de monarchies européennes, de républiques italiennes, et même le pape se sont entourés de troupes composées de Corses.
La période révolutionnaire a vu la sécession de l'île. Paoli en désaccord avec les excès de la révolution cherche auprès des Anglais le moyen d'accéder à l'indépendance. Seulement les Anglais ne l'entendent pas de cette oreille et annexerons purement et simplement l'ile.
Bonaparte qui combat en Italie décide de reconquérir son île natale et de la faire rentrer à nouveau dans le giron français. Il réunira à Livourne tous les Corses qui se trouvent à l'armée d'Italie, et sous formes de petits commandos, décide de les faire débarquer avec armes et munitions et de soulever le pays sous l'autorité du Général Antoine Gentili, qui avait combattu les Français à Ponte Novu en 1769 aux côtés de Paoli.
Il n'aura pas besoin d'en débarquer beaucoup, car les Corses ne supportent plus la pression que les Anglais font peser sur eux, et se retourneront bientôt contre eux.
Bonaparte devenu 1er Consul de la République Française connait bien les qualités militaires de ses compatriotes, et compte bien les exploiter. Les cicatrices ouvertes par la Révolution ne sont pas encore fermées. Les Anglais sont encore puissants en Méditerranée.
Aussi pour contrer le recrutement britannique, et pour éviter l'oisiveté de ses compatriotes, il décide la levée de 5 bataillons d'infanterie légère.(12 Prairial An XI-1er juin 1803).
Le général Joseph Morand (1757-1813), gouverneur de la Corse, envoie aux 2 préfets de l'ile (21 prairial An XI) la décision de lever 5 bataillons par engagements volontaires pour une durée de 3 ans en temps de paix. Ceux qui souscrivent reçoivent 36 francs(26 chez d'autres). Malgré cela les volontaires ne se bousculent pas, au printemps 1804 le recrutement n'est pas achevé. Morand prend des mesures extraordinaires qui ressemblent à la "Presse", ce sont alors les maires qui désignent les volontaires, moyen d'éloigner les mauvais sujets. Ces derniers à peine arrivé au dépôt les "malgré eux" prennent le maquis. Il faut les assurer qu'ils accompliront leur service sur l'île.
Morand se plaint de manques de moyens. Il écrit aux préfet le 26 germinal An XIII:"
le décret de Sa Majesté porte qu'ils seront habillés de drap corse, à l'usage du pays. Il ne fait pas de doute que Sa Majesté, en prenant cette disposition , a eu non seulement l'intention de favoriser les manufactures de drap du pays, mais encore de les vivifier. Il m'est pénible aujourd'hui d'apprendre que les manufactures de l'ile n'ont acquis à ce jour aucun degré d'amélioration, que non seulement le drap corse est de mauvaise qualité, mais qu'il est encore plus cher que les années précédentes." L'enrôlement est ouvert aux jeunes gens français, agés de 18 à 30 ans, mais on peut-être admis jusqu'à 40 ans si on a déjà servi. Ne pas être inscrit maritime. Mesurer 5 pieds, et jouir d'une bonne réputation. Ils reçoivent la moitié de la prime à l'engagement, le reste après 6 mois de présence au corps.
On doit leur lire à leur incorporation le Code Pénal Militaire, et dresser un procès-verbal de l'incorporation. Dans les rangs vont se se retrouver pêle-mêle d'anciens émigrés, des anciens au service anglo-corse, des "marche à regrets", mais aussi d'ardents patriotes.
COMPOSITION
L'état-major de chaque bataillon sera composé :
1 chef de bataillon - 1 adjudant-major - 1 lieutenant quartier-maître - 1 chirurgien - 1 tambour maître - 1 maître tailleur - 1 armurier
Chaque batillon est formé à 5 Compagnies composées
1 capitaine - 1 lieutenant - 1 sous-lieutenant - 1 sergent-major - 4 sergents - 1 fourrier - 8 caporaux - 98 soldats - 2 tambours - Total : 117 hommes
La force théorique de chaque bataillon est de : 592 hommes
En fait ce chiffre ne sera pas atteint :
le 1er bataillon compte 19 officiers & 205 gradés & soldats
le 2° : 19 officiers & 101 gradés & soldats
le 3° : 16 officiers & 350 gradés & soldats
le 4° : 19 officiers & 145 gradés & soldats
le 5°: 19 officiers & 169 gradés & soldats.
Le 1er bataillon est formé à Ajaccio - le 2° à Bastia - le 3° à Corté - le 4° à Bonifaccio - le 5° à Calvi
Malgré l'insuffisance des effectifs, les bataillons à peine organisés sont employés à la défense des côtes. Ainsi des navires britanniques au mouillage dans une anse près de Bonifaccio sont-ils attaqués et mis en fuite.
Ils forment des colonnes mobiles, circulant dans les deux départements à la recherchedes criminels, des déserteurs.
Le 15 février 1805, Napoleon décide de leur attribuer une compagnie de carabiniers qui sera distinguée par le port d'épaulettes rouges, et de porter chaque compagnie à 110 hommes.
Le 10 avril 1805, les cinq bataillons vont tenir garnison à Livourne. Le 28 avril, l'unité prend le nom de légion Corse. La légion part donc, toute, non, car elle laisse sur place la compagnie Sabbini, qui entrera dans la future composition des bataillons du Golo et du Liamone. La rumeur prétend que c'est l'attachement que Mme Morand lui porte, qui vaut au capitaine Sabbini de rester avec sa compagnie. ( Mais cela ne nous regarde pas
)
Arrivés à Livourne, les Corses tiennent garnison avec la 3° demi-brigade Hélvetique. L'adjudant-commandant de Giovanni est promu chef de corps. Las des quolibets que leur tenue inspire, irrités de la prétention des Suisses à leur disputer la préséance, des rixes éclatent bientôt, les Corses sont jugés responsables de ces désordres. Un rapport a été transmis à Napoléon. Caraffa envoie une adresse à l'Empereur qui décide aussitôt d'arrêter toute poursuite contre les Corses. Ils sont envoyés à Mantoue, pour y retrouver les compagnies de carabiniers qui y séjournaient. C'est à Mantoue que les Corses troquent l'habit brun pour l'habit bleu de l'infanterie légère française.
Les Bourbons de Naples s'étant joint à la troisième coalition aux côtés des Russes & des Autrichiens. Napoléon fait occuper le Royaume de Naples et met son frère Joseph sur le trône le 31 mars 1806.
Les Corses participent aux opérations menées contre les Napolitains sous les ordres de Masséna. La Légion Corse se distingue au siège de Gaète du 22 février au 19 juillet 1806.
Pendant ce temps, le 27 avril 1806, Napoléon écrit à Joseph, lui conseillant de prendre la Légion Corse à son service. C'est chose faite le 30 juin, avec prise d'effet le 1er juillet. De Giovanni ayant été nommé commandnat de place à naples, le nouveau chef de corps est Bernard Cattaneo. Cette décision est fraichement accueillie par les Corses.
Le 8 janvier 1807, la légion corse devient le
Real Corso Napoletano. mais c'est une autre histoire.
L UNIFORME
On a peu écrit et beaucoup contredit sur l'uniforme de ces 5 bataillons. Alain Fougeray dans le n° 193 de Tradition-Magazine nous a présenté le dossier de création de ces bataillons accompagné d'une petite gouache représentant l'uniforme de ces bataillons, et Dominique Buresi dans son ouvrage Les Corses au combat sous trois drapeaux sont contradictoires.
Tout le monde semble d'accord sur la coupe de l'habit. La coupe de l'habit est celle de l'infanterie légère, c'est à dire à basques courtes et revers en pointe, parements ronds et pattes de parements. Le fond de l'habit est marron. Il est confectionné en poil de chèvres du pays. Culotte, veste en drap de même couleur. Guêtres courtes noires du modèle de l'infanterie légère. Epaulettes vertes, boutons blancs.
Morand fixe la distribution des couleurs distinctives propres à chaque bataillon. (1er Fructidor An XI-19 août 1803).
Bataillons d'Infanterie légère Corse - Tradition Magazine n° 193 -
Chaque bataillon est donc distingué de la façon suivante :
1er bataillon : collet rouge, revers jaune passepoilés de rouge, parements et pattes de parements rouges.
2° bataillon : collet bleu passepoilé de rouge, revers rouge passppoilés de bleu, parements et pattes de parements bleus.
3° bataillon : collet bleu passepoilé de capucine (orange clair), revers capucines passepoilés de bleu, parements et pattes de parements bleus passepoilés capucine.
4° bataillon : collet vert passepoilé de rouge, revers rouge passepoilés de vert, parements et pattes de parements verts passepoilés de rouge.
5° bataillon : collet bleu passepoilé de cramoisi, revers cramoisi passepoilés de bleu, parements et pattes de parements bleus passepoilés de cramoisi.
Mais le plus étonnant reste la coiffure. Il s'agit d'un bonnet à la corse taillé en drap marron du pays avec une mèche de soie noire, et portant devant dans un cercle de cuivre le n° du bataillon.(d'après D. Buresi)
Etonnant en effet, car on a songé à y ficher un plumet vert sur le côté gauche et une houppe sur le côté droit. La pointe du bonnet étant raide à la manière d'une mitre. On se demande comment tout cela pouvait tenir !!!
Autre détail étonnant, nos chasseurs sont équipés d'un baudrier porte-giberne ? alors qu'ils vont porter la cartouchière (carchera) à la Corse, c'est à dire sur le ventre, et seront armés d'un fusil du modèle réglementaire.
Infographie d'Alexis Cabaret, dit Cosaque.
En effet, il me semble impossible de faire tenir raide un bonnet de drap ( à moins de le blinder) et de le faire tenir sur une tête avec un plumet. De même Alain Fougeray était sceptique quant à la présence de l'ornement du devant portant le n° du bataillon. Mais peut-être que tout le monde se plante.
LES CHEFS DE CORPS
Bonaparte se réserve le choix des officiers des 5 bataillons. Il met à leur tête des individus qu'il a connus lorsqu'il se trouvait lui-même Lieutenant-Colonel de la Garde Nationale d'Ajaccio.
Au 1er,
François Bonelli, né le 17 janvier 1760 à Bocognano. Capitaine au 17° Bataillon d'infanterie légère en 1793, chef de bataillon au 23° Léger en 1800,il est muté de ce corps aux chasseurs corses.
Au 2°,
Ignace Jean Baptiste Caraffa, né le 28 février 1769 à Bastia. Officier de cavalerie dans l'armée autrichienne en 1782. Capitaine ne 1793, il démissionne et rentre en Corse. Suspecté par les Girondis, il est emprisonné à Bastia. Il échappe au peloton d'éxécution par l'intervention d'un amiral anglais. Capitaine au 13° Chasseurs à cheval sous le Consulat , le général Casalta en fait son aide de camp en 1801.
Au 3°,
Pierre Emmanuelli, né le 27 mars 1747 à Piazzola d'Orezza, a commencé soldat au Royal-Corse en 1774, sergent en 1776. Il a servi au 18° bataillon d'infanterie légère en 1793 où il commande une compagnie. Il vient de la 29° Légère où il était chef de bataillon.
Au 4°,
Jean Peretti, né le 28 décembre 1760 à Olmetto, capitaine aux volontaires nationaux en 1792, officier de Gendarmerie en 1802.
Au 5°,
Joseph Avocari de Gentili, né le 16 avril 1762 à Nonza, capitaine aux volontaires nationaux en 1792, puis au 16° Bataillon d'Infanterie légère en 1793, chef de bataillon de la 22° Légère en 1795.
SOLDE
La solde des officiers est égale au 2/3 de celle réglée pour les officiers d'un grade égal dans l'infanterie de ligne.
La solde d'un chasseur s'élève à 50 centimes par jour, il sera pourvu à son équipement, armement et chauffage.
Chaque gradé et chasseur jouit d'une ration de pain.
Corso
Sources:
Les Corses au combat sous trois drapeaux 1792-1815. par Dominique Buresi
Les bataillons de l'Infanterie légère Corse 1803-1805 par Alain Fougeray. Tradition Magazine 193 - Octobre 2003