A partir de 1810, 20 escadrons de gendarmerie sont envoyés en Espagne; un escadron se composait de 120 gendarmes à pied et 80 à cheval, encadrés par 7 officiers.
Le 22 janvier de cette même année, Bourgeois prend le commandement du 17° escadron qui, passé dans la péninsule ibérique le 5 avril, accompagne le général Buquet jusqu'à Pampelune, puis s'établit à Valtierra dans la province de Navarre avec mission de surveiller les abords de l'Ebre.
Dans le courant du mois d'avril, le chef d'escadron Bourgeois reçoit du général Reynaud l'ordre de se porter sur Milagro et Lerin afin de protéger Lodosa sur le point d'être attaqué par une forte bande de guérilleros. En cours de route, il doit escorter 600 prisonniers jusqu'à Caparroso, puis gagne Péralta où il passe la nuit. Le lendemain 19 mai, à 5 heures du matin, des rebelles ouvrent le feu sur les arrières de la colonne, à la sortie du village. A ce moment-là, Bourgeois fait volte-face, se met à la tête d'une quarantaine de gendarmes et repousse vigoureusement l'ennemi. Les Espagnols ayant reçu un gros renfort, il s'élance sur le pont enjambant l'Arga, où ses adversaires avaient pris position, et force ces derniers à reculer. Les 1.200 Ibères s'acharnent alors sur les 200 gendarmes attaqués de toute part par un feu nourri.
Le combat héroïque de Péralta peut-être regardé comme une victoire, car le 17° escadron aurait du être anéanti par un feu ennemi, six fois supérieur en nombre. Au lieu de cela, Bourgeois est parvenu à se frayer un passage jusqu'à Lodosa, malgré la poursuite opiniâtre des Espagnols. Néanmoins nous avions eu 5 tués, 16 blessés et 26 prisonniers, alors que l'ennemi perdait une cinquantaine d'hommes.
A la fin de l'année, le 3 novembre, des guérilleros attaquent un courrier -escorté par des gendarmes du 20° escadron- qui se rendait de Caparroso à Taffala. Entendant le crépitement de la fusillade, Bourgeois arrive à le rescousse avec une partie de son escadron, charge à fond et les Espagnols en complète déroute.
Peu après, le 16 décembre, il passe à la 1° légion à cheval, comptant 6 escadrons de 132 hommes. Ces 792 cavaliers sont commandés par le colonel Béteille, secondé par les chefs d'escadron Géry & Bourgeois. Celui-ci avec 300 gendarmes, sillonne avec succès la région de Burgos et fait rentrer les impôts dus par les populations (22 décembre1810-19 janvier 1811).
Lancier-Gendarme d'Espagne par Detaille - Coll. perso Corso
Pendant la majorité de l'année 1811, Bourgeois parcourt cette province afin de protéger les communications continuellement entravées et de maintenir un calme relatif.
Désirant chasser les rebelles de la province d'Alava, une colonne de 1.100 hommes avec 336 gendarmes aux ordres du colonel Darquier entreprend une opération qui sera couronnée de succès (24-27 mai 1812).
Au combat de Santa-Cruz-de Campezo, le 25, le chef d'escadron Bourgeois, à la tête de 50 gendarmes à cheval, enlève de force le village en repoussant les Espagnols, puis en les contenant pendant plus de trente minutes. Le chef Mina se retranche alors solidement avec ses 3.000 soldats et ses pièces de canon à l'extérieur du village; les fantassins et les gendarmes les attaquent à nouveau et les rejettent dans un désordre total.
L'ennemi perdait dans cette affaire 200 hommes alors que le nôtres n'avaient que 12 tués et 31 blessés, parmi lesquels Bourgeois qui avait été atteint par un coup de lance à la cuisse gauche.
Après le siège de Burgos, le 23 octobre 1812 sur les bords de l'Arlanzon, tout près de Villodrigo, le général anglais Anson avec neuf escadrons de dragons rouges et cinq canons, attend de pied ferme les neuf escadrons de la brigade de cavalerie de l'armée du Nord du colonel Béteille.
Il est 17 heures. De part et d'autre les cavaliers s'ébranlent et s'affrontent pendant dix minutes dans une lutte sans merci au corps à corps. Dès le début, le colonel Béteille tombe grièvement blessé et est laissé pour mort sur le champ de bataille. Bourgeois, à la tête de deux escadrons, charge de front aux côtés des chasseurs à cheval (
le 15°) et des lanciers de Berg, tandis que le capitaine Caudel, avec les deux autres escadrons de Gendarmerie, agit sur le flanc droit anglais.
En pleine action, Bourgeois a son cheval tué sous lui, tombe et roule à terre. Entouré par une nuée de dragons, il se défend comme un beau diable, l'arme à la main, mais un coup de sabre l'atteint à l'arcade sourcillière droite, le sang jaillit, inonde son visage et macule son uniforme. A ce moment, le maréchal de logis Leclerc intervient et, à grands coups de sabre, dégage promptement son chef de ce mauvais pas. Enfourchant un nouveau cheval, Bourgeois rassemble la 1° légion, poursuit le combat, met en fuite l'ennemi et contribue ainsi puissamment au succès de nos armes.
Au cours de cette charge épique, les Français ont eu 7 tués et 134 blessés, alors que les Anglais de leur côté avaient 250 hommes hors de combat et laissaient 85 prisonniers entre nos mains.
Peu après, le général Buquet, commandant la Gendarmerie d'Espagne, écrit dans son rapport
:"Pour nommer ceux qui se sont distingués dans cette charge il faudrait nommer tous les militaires de la légion. Il y aurait pourtant injustice à ne pas désigner le colonel Béteille, grièvement blessé de douze coups de sabre, le chef d'escadron Bourgeois, ..."etc, et quelque temps plus tard, c'est le tour du général Caffarelli, commandant en chef l'Armée du nord, de préciser dans une lettre :" ...
Cette légion faisait par sa composition partie essentielle de l'Armée du Nord. Ainsi sur tous les points de son arrondissement la légion laissera des regrets; mais elle laissera aussi le souvenir de sa bravoure, de sa discipline et du bon esprit dont elle est animée, et s'il est necessaire d'exciter l'émulation des autres coprs, on pourra citer la conduite de la légion de gendarmerie."
Avec 800 fantassin et 2 pièces de canon, la légion quitte Burgos le 6 janvier 1813 tout en escortant une colonne de prisonniers qu'elle laisse à Bayonne le 14 suivant, et arrive à Paris le 17 février.
C'est sans conteste possible, en Espagne que s'est confirmée la brillante réputation du chef d'escadron Bourgeois.
En effet durant cette terrible guerre, il a fait preuve d'une incroyable bravoure, combattant sans cesse un ennemi implacable, ne connaissant jamais la défaite et surtout affirmant des qualités exceptionnelles de meneur d'hommes. Il est de ceux qui ont écrit de leur sang les plus belles pages de gloire de la Gendarmerie d'Espagne en l'immortalisant à jamais.
Alors qu'il regagnait la France, le 10 février 1813, Bourgeois est nommé colonel de la 1° légion à cheval. En réalité, il la commandait par interim depuis la mémorable victoire de Villodrigo en remplacement de Béteille qui, sérieusement atteint, se remettait de ses terribles blessures.
A la parade du Champ de Mars, le 25 février, devant le front des troupes, Napoléon fait avancer Bourgeois et lui dit à haute voix :"
Je connais votre affaire de Burgos (Villodrigo). Je fais officier le sous-officier qui vous a sauvé la vie, et vous, colonel je vous fais baron !" Malheureusement, la chute de l'Empire l'empêcha de recevoir ses lettres patentes, et sn titre ne sera jamais confirmé.
Pour s'être compromise dans la conspiration du général républicain Malet, la garde de paris est dirigée vers l'Allemagne pour y combattre avec la Grande Armée. ésirant la remplacer, Napoléon écrit
:"...Cette troupe (la 1° légion) continuera à être connue sous le nom de légion de Gendarmerie d'Espagne. Après-demain 1er mars (1813), elle prendra le nom de la ville de Paris et sera logée dans les casernes des dragons de Paris... J'ai pris un décret pour organiser une Gendarmerie municipale à Paris; mais il faudra trois mois pour cette formation. Pendant ces trois mois, cette Gendarmerei fera le service de la ville".En témoignage de sa confiance e de son estime, l'Empereur nomme Bourgeois, colonel de la Gendarmerie Impériale de Paris. Celui-ci prête serment à Napoléon le 5 mai. (
Cette unité est l'ancêtre de la Garde Républicaine)Gendarmerie Impériale de Paris - Gendarme à pied - Gendarme à Cheval par E. Leliepvre in Gendarmerie Nationale par Gal Besson & P. Rosière. Ed. Richer
Avec le titre de colonel d'armes, il dirige en outre le service des corps de garde de police. Cette Gendarmerie, forte d'un état-major de 13 hommes et de 4 compagnies autonommes de 206 hommes, dont 86 à cheval, avait pour mission principale d'assurer la protection de lacapitale. Dans le cérémonial, cette unité se plaçait immédiatement après la gendarmerie d'élite et avant toutes les autres armes.
Tous les jours, de la préfecture, où il habite, le colonel dépêche un officier à l'état-major du gouverneur de la 1° division militaire afin de lui rendre compte des ordres reçus du préfet. Quant ce dernier délivrait des réquisitions à l'occasion d'évènements exceptionnels, le colonel devait se mettre à la disposition du général commandant la 1° division militaire.
Pendant la campagne de France, au printemps 1814, le colonel Bourgeois prend part à la defense de la capitale attaquée par les alliés.
Au retour des Bourbons, Louis XVIII maintient le colonel Bourgeois dans ses fonctions jusqu'au 8 octobre 1814.
Entre-temps le 31 mai, la Gendarmereie impériale de paris est devenue tout naturellement la Garde royale de Paris.
Durant la première Restauration, Bourgeois reçoit coup sur coup la croix de chevalier de l'ordre miltaire de St Louis (11 octobre 1814), celle d'officier de la Légion d'Honneur (17 janvier 1815) et le commandement de la 9° légion (9 octobre 1814). (Chef-lieu Niort - 16° escadron Deux-Sèvres & Vendée - 17° escadron Charente Inférieure & 5° Ardt maritime )
Malgré les deux changements de régime, il continue à commander sa légion pendant les Cent-Jours ainsi qu'au début de la seconde Restauration.
Néanmoins, le 31 janvier 1816, une commission le met en non activité à cause de sa blessure reçue à Villodrigo qui, selon cette commission le rend impropre à servir. Il a effectivement un voile devant son oeil droit alors que le gauche est très affaibli.
Profitant de son congé forcé, Bourgeois se décide à se marier, le 24 octobre suivant avec une demoiselle de 29 ans, Victorine Eulalie Guillon. Son épouse née à Nantes le 05 aout 1787, lui donnera 3 enfants : l'aîné Pierre Jean-Marie sera éléve à l'école polytechnique et, entré dans l'armée en 1838 deviendra capitaine chef du génie à Belle Ile en Mer sous le second Empire.
L'Ordonnance royale du 24 février 1819 replace le colonel Bourgeois en activité comme commandant la 9° légion le 5 mars 1819, puis une autre ordonnance le met à la tête de la 12° légion le 26 juin 1822. (12° légion -
Cahors -
Lot : 3 lieutenances : Cahors, Figeac, Gourdon.
Lot & Garonne : 4 lieutenances : Agen, Nérac, Maramnde, Villeneuve S/ Lot.
Aveyron : 5 lieutenances : Rodez, Espalion, Millau, St Afrique, Villefranche de Rouergue.
Cantal: 4 lieutenances : Aurillac, Murat, Mauriac, St Flour )...
...Le 16 août 1826, le "brave Bourgeois" reçoit -enfin- les étoiles de maréchal de camp à titre honoraire, juste récompense de 27 années de bons, loyaux et nombreux services rendus à la France, mais en contrepartie, ildoit cesser ses fonctions le 31 décembre.
Peu après, le 16 février 1827, comme il est mis définitivement à la retraite, il se retire dans le maine & Loire, dans un charmant village au pied des ruines d'un vieux chateau du XIV° siècle : Beaufort en Vallée.
Désirant être encore utille à son pays, malgré son infirmité et ses déboires sous la Restauration, le maréchal de camp Bourgeois adresse le 27 août 1830 une lettre au maréchal Gérard, ministre de la Guerre, dans laquelle il dit en particulier :"
J'ai servi quinze ans en qualité de colonel de Gendarmerie. Ma longue expérience de cette Arme me rend propre à une place d'Inspecteur"...Normalement ce poste devrait être le couronnement d'une carrière brillante et bien remplie. Hélas sa requête ne recevra aucune réponse alors que sans aucun doute, il aurait pu encore servir avec zèle et devouement.
Avec son épouse, Bourgeois continue à vivre dans une retraite confortable dans son Anjou natal où se déroula une partie de son service. Entre-temps, il s'était établi à Angers, et c'est là qu'il s'éteint le 1er février 1851, dans sa 82° année
Telle a été la glorieuse épopée de Pierre-Joseph Bourgeois, général de brigade, baron de l'Empire (non confirmé, il est vrai!), officier de la Légion d'Honneur, chevalier de Saint Louis, plusieurs fois cité, douze campagnes, deux blessures, héros de la guerre d'Espagne.
Incontestablement, il est l'un des plus brillants officiers que la gendarmerie ait comptés au XIX° siècle. Bien peu, en effet peuvent se targuer de posséder des états de service aussi glorieux.
Une carrière si bien remplie, ne méritait-elle pas d'être contée ?