Maréchal MURAT
MURAT Joachim, 1771-1815, Maréchal d'Empire et Grand Amiral (1804), Grand Duc de Clèves et Berg (1806), Roi de Naples (1808).Fils d'un aubergiste campagnard de la Bastide-Fortunière, destiné à l'état ecclésiastique ; engagé en 1787 ; enragé révolutionnaire, voulut changer son nom de MURAT en MARAT après le meurtre du tribun ; se fit remarquer par BONAPARTE lors de la répression de l'émeute du 13 Vendémiaire ; aide de camp du Général BONAPARTE depuis 1796, tint un rôle de premier plan dans le coup d'État du 18 Brumaire et épousa CAROLINE, la sœur du Premier Consul. Incomparable sabreur et Chef sans égal dans le maniement des grandes masses de Cavalerie, ce beau méridional, d'intelligence médiocre, participa très brillamment aux campagnes de l'Empire.
Régnant depuis 1808 à NAPLES sous le nom de JOACHIM 1er après avoir espéré le trône de POLOGNE et le trône d'ESPAGNE, sinon la Couronne de FRANCE, MURAT, très orgueilleux, essaya de secouer la tracassière tutelle de son beau-frère qui n'omettait aucune occasion de le minimiser.
Revenu à la Grande Armée pour la campagne de RUSSIE, où il fit des prodiges de valeur, MURAT abandonna les troupes à la fin de la désastreuse retraite et, rentré dans ses États, noua secrètement des négociations avec l'AUTRICHE et l'ANGLETERRE. « Mes devoirs comme Roi, disait-il, sont indépendants de mes sentiments comme frère et ancien sujet. ».
II revint nonobstant se ranger aux côtés de NAPOLEON pour la campagne de 1813 et se distingua à LEIPZIG, tout en continuant "ses pourparlers avec l'ennemi".
« Près d'ERFURTH, écrit le Général THIEBAULT, MURAT a eu, au milieu d'un bois et de la nuit, des conférences secrètes avec un émissaire AUTRICHIEN... traita avec cet émissaire pour ainsi dire à la porte du Quartier Général et, abandonnant l'EMPEREUR pour prix de tant de bienfaits, alla se réunir à la cause des Rois qui avaient juré sa perte. »
A l'image de son conseiller FOUCHE, MURAT fut toujours d'une extrême duplicité, caressant tour à tour l'EMPEREUR, le cabinet AUTRICHIEN, les ANGLAIS, les CARBONARI "promoteurs de l'unité Italienne" et la Franc-Maçonnerie, dont il était Haut Dignitaire : ... n'écrivait-il pas le même jour une lettre à METTERNICH en s'affirmant "l'irréconciliable ennemi de NAPOLEON" et une autre à l'EMPEREUR NAPOLEON lui-même, si déchirante qu'il dut l'interrompre parce que les larmes troublaient sa vue...
Les 6 et 11 janvier 1814, estimant que la cause de l'EMPEREUR NAPOLEON était perdue, il signait un accord avec l'AUTRICHE et l'ANGLETERRE, s'engageant à fournir un corps de 30 000 hommes pour combattre l'Armée FRANCAISE, contre la garantie de la conservation de ses États.
Quelques jours plus tard, il lançait une proclamation à ses soldats : « Soldats,... ... Tant que j'ai pu croire que l'EMPEREUR NAPOLEON combattait pour la GLOIRE et le BONHEUR de la FRANCE, j'ai combattu à ses côtés, mais, aujourd'hui, il ne me reste aucune illusion. L'EMPEREUR ne veut que la guerre »…
... « Je trahirais les intérêts de mon Ancienne Patrie, ceux de mes États et les Vôtres, si je ne séparais, sur-le-champ, mes Armes des Siennes pour les réunir à celles des puissances alliées dont les intentions magnanimes sont de rétablir la dignité des trônes et l'indépendance des nations »...
... « Je sais qu'on cherche à égarer le patriotisme des FRANCAIS qui servent dans mon armée sous de faux prétextes d'HONNEUR et de FIDELITE, comme s'il y avait encore de l'HONNEUR à servir la folle ambition de l'EMPEREUR NAPOLEON et à lui assujettir le monde ! »…
... « Soldats, il n'y a plus que deux bannières en Europe. Sur l'une vous lisez : religion, morale, justice, modération, lois, paix et bonheur ; sur l'autre : artifice, violence, persécution, guerre et deuil dans toutes les familles. Choisissez. ».
Le 15 février, le « BERNADOTTE du MIDI » déclarait la guerre à la FRANCE, marchait contre l'Armée d'ITALIE commandé par Eugène de BEAUHARNAIS et la contraignait à la retraite.
NAPOLEON déclara : « Le Roi Joachim a puissamment contribué aux succès des alliés en 1814 en faisant cause commune avec les ennemis de sa patrie, contre le Chef de sa Famille et son Bienfaiteur ». « Si, avec son armée de 60 000 hommes, il se fût joint à l'armée Gallo-Italienne que commandait le Prince Eugène de BEAUHARNAIS, il eût obligé l'Armée AUTRICHIENNE de rester à la défense de la CARYNTHIE ou du TYROL. Ainsi le poids qu'il mit en cette occasion dans la balance fut de 120 000 hommes, » ... «
Ils étaient plusieurs que j'avais fait trop grands, disait encore l'EMPEREUR à SAINTE-HELENE,... Je les avais élevés au-dessus de leur esprit... MURAT avait un très grand courage, mais fort peu d'esprit, la trop grande différence entre ces deux Qualités l'explique en entier. » (O'MEARA.).
Après la chute de l'EMPIRE, la trahison de MURAT ne lui assura aucune garantie. Au congrès de VIENNE, TALLEYRAND, devenu champion de la légitimité, l'appelait « la personne qui gouverne
maintenant NAPLES », tandis que Le Courrier de LONDRES lui reprochait grossièrement d'être : « le fils d'un postillon de CAHORS-EN-QUERCI » et que le Journal des Débats le traitait "d'usurpateur".
Lors du débarquement de NAPOLEON à FREJUS, MURAT, retournant une fois de plus son dolman, assura l'EMPEREURde son indéfectible fidélité et appela les ITALIENS à l'indépendance dans un manifeste du 30 mars 1815, mais il s'engagea trop tôt. « Cet imbécile de MURAT, dit NAPOLEON, malgré les ordres que je lui avais donnés, marcha en ITALIE avec sa canaille, où il fut soufflé comme une balle. Alors tous mes projets, plans et traités furent renversés,... DEUX FOIS MURAT m'a trahi. » (O'Méara.).
Battu et obligé de fuir tandis que sa femme et ses enfants étaient emmenés en captivité en AUTRICHE, MURAT se réfugia en PROVENCE ; mais c'est en vain qu'il sollicita de NAPOLEON un commandement pour la Campagne qui allait s'ouvrir.
« Je l'eusse amené à WATERLOO, a dit l'EMPEREUR, mais l'Armée FRANCAISE était si PATRIOTIQUE qu'il est douteux qu'elle eût voulu supporter "celui" qu'elle disait avoir perdu la FRANCE. Je ne me crus pas alors assez puissant pour le rappeler et pourtant il nous eût valu peut-être la VICTOIRE, car que nous fallût-il dans certains moments de la journée? Enfoncer trois ou quatre carrés ANGLAIS. Or, MURAT était admirable pour une pareille besogne ; il était précisément l'Homme de la "chose", mais l'Armée n'en voulait plus comme Chef. ».
On sait comment l'ex-Roi, trahi à son tour, alors qu'il tentait follement de reconquérir son royaume à la tête de vingt-six soldats, tomba dans un guet-apens au PIZZO, en CALABRE et il fut passé par les armes. Les dernières paroles de ce Bravissime Bellâtre furent :
« Sauvez la tête, visez au cœur ! ».Le décret est curieux, que rendit Ferdinand 1er, Roi des Deux-Siciles, pour sa mise en jugement :
« Ferdinand 1er, par la grâce de Dieu.,, avons décrété ce qui suit :
« 1° Le Général MURAT sera traduit devant une Commission Militaire dont les membres seront nommés par notre Ministre de la Guerre ;
« 2° II ne sera accordé au condamné qu'une demi-heure pour recevoir le secours de la Religion. »
Moins connue est la vengeance de Ferdinand 1er, s'il faut en croire Alexandre DUMAS et le Général THIEBAULT, qui écrivit dans ses Mémoires : « La mort de MURAT appellera à jamais la pitié sur lui et l'exécration sur le "cannibale couronné" qui, par un ordre d'exécution télégraphiquement transmis, profana jusqu'au simulacre de la justice et, pour mieux attester la volupté que cet assassinat lui fit goûter, pour ne laisser aucune borne au dégoût, à l'horreur qui resteront attachés à sa mémoire, fit décapiter le cadavre de ce "brave des braves", à la fois son successeur et son prédécesseur, fit mettre la tête dans un bocal, dans une des armoires de sa chambre à coucher, de sorte que, la nuit même, il put n'être pas privé de ce genre de jouissances dont avant Ferdinand Ier aucun brigand ne s'était régalé. » ... C'est ainsi que, pour la punition de ses fautes, l'écervelé Murât eût le triste et rare privilège d'être successivement fusillé, puis décapité.