Ayant eu l'honneur de servir six années durant dans un régiment de hussards dont l'étendard portait fièrement dans ses plis : Iena, Eylau, Friedland et Montereau, je me lance dans mon premier article en souhaitant rappeler son origine et son histoire. Je m'appuierai pour celà sur son historique régimentaire officiel en évoquant trois parties : sa création lors de l'ancien régime, puis les campagnes de la révolution enfin l'épopée impériale.
Historique du 3° HussardsAncien RégimeLes hussards tirent leur nom du mot hongrois "houz" qui signifie "vingt". Dans le royaume de Hongrie, en effet, dès le moyen âge, chaque village devait fournir au souverain des cavaliers montés, équipés et armés au nombre de un pour vingt hommes valides. D'où le nom de "houzard", devenu par la suite "hussard".
Les premiers houzards de l'armée française étaient des hongrois déserteurs ou transfuges de la cavalerie impériale. Dans les premiers temps, sous le règne de Louis XIII, ils constituaient des troupes irrégulières et, si l'on s'en rapporte aux chroniques de l'époque, assez indisciplinés. Cavaliers rustiques et primitifs, ils battaient l'estrade en avant du front et on les utilisait de préférence dans les actions d'avant-gardes et de surprise, les coups de mains hardis, les embuscades, le harcèlement des cantonnements et les attaques de convois ennemis.
Louis XIV tenta sans grand succès de constituer ses houzards en unités régulières; la discipline n'était pas le fait de ces rudes gaillards, solides au feu certes, mais incapables de se plier aux règles rigides alors en vigueur dans les armées du roi.
Il fallut attendre la régence, puis le règne de Louis XV pour former des régiments de houzards dignes de ce nom grâce à l'enrôlement dans leurs rangs, à côté des hongrois, d'un nombre croissant d'allemands, de rhénans et d'alsaciens.
Il était naturel que l'on confiât le soin de former de tels régiments à des chefs qui, par traditions et atavisme, connaissaient parfaitement toutes ces actions de partisans que l'on désirait faire exécuter par la cavalerie légère. Cette forme de guerre était alors peu connue en France et c'est la raison pour laquelle la plupart des premiers colonels de houzards (appelés aussi Maîstres de Camp) furent choisis parmi les nobles hongrois émigrés en France tels par exemple RATTSKY, BERCHENY et les ESTERHAZY.
Le 3ème Régiment de Hussards est directement issu d'Esterhazy Houzards, deuxième du nom, créé le 10 février 1764 à Phalsbourg. Son premier colonel était le comte Valentin Ladislas Esterhazy, dont le père, Valentin Joseph, émigré hongrois avait formé en 1733, un premier régiment de houzards portant son nom, régiment qui devint par la suite Chamborant, ancêtre de l'actuel 2ème Hussards.
Lorsque fut formé le nouveau régiment d'Esterhazy, il existait déjà trois autres régiments de houzards : Bercheny, Chamborant et Royal Nassau. C'est à l'aide d'un escadron de chacun de ces trois unités que fut constitué Esterhazy Houzards, les effectifs étant complétés par des volontaires alsaciens et allemands.
N'ayant vu le jour qu'après le traité de paris (1763), qui mit fin à la guerre de sept ans, Esterhazy Houzards ne prit donc aucune part aux campagnes de la monarchie, toutes antérieures à sa création. Il n'eut non plus la bonne fortune, comme son cadet Lauzun Houzards, d'aller en Amérique avec le Corps de Rochambeau aider les Etats-Unis à conquérir leur indépendance.
Sous l'ancien régime, la tradition voulait que chaque régiment ait une devise. C'était tantôt la devise du roi : "Nec Pluribus Impar", tantôt une devise choisie par le colonel créateur du corps. Celle d'Esterhazy figure encore en 2007 sur l'insigne du régiment et sur le fanion de son chef de corps : "IL EN VAUT PLUS D'UN"
Campagnes de la révolutionLe 1er janvier 1791, un décret de l'assemblée nationale supprime les noms des régiments et leur donne un numéro. Le régiment Esterhazy devient 3ème Hussards, il a alors 27 ans d'existence.
Armée du Nord : 1792Affecté à l'armée du nord du général de BIRON, le 3ème Hussards fit ses premières armes au cours de la difficile retraite de Valenciennes-sur-Mons, les 29 et 30 avril 1792. Il y acquit d'emblée la réputation d'une troupe d'élite et mérita les félicitations du général pour la façon dont il avait assuré l'arrière-garde sous les ordres du lieutenant-colonel de FROISSY de BRISSON, sans se laisser le moins du monde entamer, sauvant ainsi l'Armée d'un désastre certain.
Après plusieurs engagements heureux, le 3ème Hussards se retrouve le 10 août enfermé dans Thionville assiégée. Le commandant de la place ayant demandé des volontaires pour transmettre une lettre à Metz, trois hussards se présentent : DORDELIN, HONEL et BASTOUL. Chacun d'eux reçoit un exemplaire du pli et ils se lancent au galop, chacun dans une direction différente. Entreprise follement téméraire. Dès leur départ, la fusillade crépite de toutes parts. DORDELIN et HONEL sont tués. BASTOUL est grièvement blessé, mais il poursuit sa course. Soudain, un groupe d'autrichiens lui barre la route, baïonnettes croisées. BASTOUL fonce sur l'ennemi sabre haut et, percé de coups, réussit à s'ouvrir un chemin. Il s'échappe, arrive à Metz à demi-mort, remet lui même sa lettre au général et, mission remplie salue puis s'écroule et meurt.
L'héroïque conduite du hussard BASTOUL a longtemps été honorée au Régiment et, avant la seconde guerre mondiale, la cour du quartier de Sarreguemines portait encore son nom.
Cinq jours plus tard, le hussard FÖHR devait renouveler cet exploit, mais plus heureux, il parvint à Metz sans être blessé et rapporta le soir même à Thionville la promesse de renfort du général.
Le 20 septembre 1792, le 3ème hussards sera présent sur le champ de la première bataille de la conscription, à Valmy. Toutefois, son étendard ne verra ses plis ornés de ce nom de victoire qu'en 1989 !!!
Armée de Moselle. 1793-1799Au printemps de l'année 1793, le régiment est affecté à l'avant-garde de l'Armée de Moselle, en Belgique. Dès son arrivée, en mai, un détachement de 150 hussards du 3e met en déroute une colonne austro-hollandaise, faisant un grand nombre de prisonniers et capturant 9 pièces d'artillerie. Le 7 juin, au combat d'Arlon, il confirme sa réputation de troupe d'élite en chargeant le célèbre régiment de chevau-légers de RINSKY avec une telle vigueur que ceux-ci, saisis de panique, s'enfuient épouvantés, laissant entre nos mains un grand nombre de prisonniers et des approvisionnements considérables. Au cours de ce combat, le maréchal des logis FÖHR avait fait un prisonnier et capturé un cheval. Tout à coup, il aperçoit dans la mêlée son capitaine aux prises avec deux chevau-légers. Il abandonne aussitôt son prisonnier et son cheval et dégage le capitaine.
Le 12 septembre, une reconnaissance de seize Hussards et quarante fantassins envoyée sur la route de Thionville à Luxembourg, tombe à l'improviste, près d'Eurange, sur une forte colonne ennemie comptant environ 1500 fantassins et 600 cavaliers et doit battre en retraite. Mais les cavaliers ennemis, débordant la petite troupe, viennent lui couper la route de repli. Les seize Hussards se retrouvent à un contre 40. Appliquant alors la devise du régiment "il en vaut plus d'un", ils s'élancent au galop, le sabre haut, contre les cavaliers qui leur barrent la route. Le choc fut si brutal et si inattendu que cette poignée de braves parvint à percer la muraille ennemie et à rejoindre nos lignes. Trois Hussards seulement manquaient à l'appel.
Ainsi, de jour en jour, s'accroissait la réputation du 3e Hussards et, le 3 octobre 1793, le général DELAUNAY, commandant l'Armée de Moselle, écrivait au ministre de la guerre : "Le 3e régiment de Hussards est au dessus de tout éloge".
Le 23 décembre, à Froeschwiller, l'Armée française hésitait devant les prussiens formidablement retranchés et disposant d'une impressionnante artillerie. Le général HOCHE passe devant le front du 3e Hussards et, montrant les pièces, s'écrie : "Camarades ! à six cents livres les canons prussiens !" Aussitôt les escadrons, commandés alors par le chef d'escadrons LEBRUN de la HOUSSAYE, exécutent plusieurs charges sous un feu d'enfer et s'emparent de 28 pièces de canon, faisant en outre 1500 prisonniers. Les maréchaux des logis KIEFFER et WALDECK, le brigadier CHRISTIAN et le Hussard OSTER qui s'étaient emparés de trois canons reçoivent, outre les six cents livres promises, sabres et mousquetons d'honneur qui tenaient lieu à cette époque de décorations. Le chef d'escadrons de la HOUSSAYE fut cité à l'ordre et HOCHE mentionna dans son rapport le 3e Hussards comme étant un des régiments qui s'étaient le mieux comportés. Le 26 décembre, l'unité participe aux charges brillantes exécutées par la cavalerie contre les autrichiens à Wissenbourg. L'ennemi perdit dans cette bataille 300 tués et blessés, 500 prisonniers, 2 drapeaux et 16 canons.
Armée des Pyrénées Orientales, 1793Au cours de cette même année 1793, pendant que le 3e Hussards s'illustrait à l'Armée de Moselle, deux escadrons du régiment participaient aux opérations menées contre les espagnols par l'Armée des Pyrénées Orientales. En septembre, aux environs de Perpignan, ils chargent les espagnols et leur prennent 26 pièces d'artillerie, capturant également 2000 prisonniers. Le 17 septembre, au cours d'une attaque de nuit contre un camp ennemi, les Hussards effectuent une charge hardie dans l'obscurité, semant la panique et permettant à l'infanterie française de s'emparer de l'artillerie, des bagages et d'un grand nombre de prisonniers. Le 2 octobre, dans une autre attaque contre les espagnols, ils pénètrent par surprise dans le camp retranché du Boulou, en chassent les occupants et les poursuivent à mort jusque dans les montagnes. Le département des Pyrénées Orientales est alors évacué par les espagnols qui abandonnent entre nos mains quelques 200 canons, tous les caissons, mulets et équipages de montagne. Le 20 octobre, une charge vigoureuses exécutée par les Hussards à Saint Laurent La Monja leur permet la capture de 300 hommes des gardes wallonnes et d'un général.
Armée du Nord. 1794-1799En mars 1794, le 3e Hussards passe à l'Armée du Nord. Il devait y rester jusqu'à la paix d'Amiens. Il est commandé pendant toute cette période par le brave Lebrun de le Houssaye, promu colonel. Sans cesse sur la brêche, il fut toujours au point le plus exposé. Le 15 juillet, il est à l'extrême avant-garde de l'Armée et arrive devant Malines occupée par les hollandais. Le régiment, entrainé par son ancien colonel de 1793, le chef de brigade de Bouchotte, se jette sur la Dyle, la traverse à la nage sous le feu de l'ennemi, et, ayant pris pied sur la rive, charge, sabre et culbute les hollandais, s'emparant de 5 officiers, 98 soldats et 40 canons.
En juin 1795, au combat de Liège, le 3e Hussards en découverte, s'empare encore de 4 pièces d'artillerie. L'année 1796 se déroule sans incidents notables, l'Armée française se bornant à occuper la Hollande.
Les opérations reprennent au printemps 1797 sous les ordres de Kléber, commandant des Armées du Nord et de Sambre et Meuse. Le 18 avril, à la bataille de Neuwied, le 3e Hussards enveloppe l'arrière-garde ennemie et la contraint à se rendre. Ce même jour, le capitaine Schoeny devait réussir un fait d'armes peu banal : chargé de s'emparer du village de Diersdolfs que défendait un bataillon ennemi retranché derrière une haute barrière, Schoeny entraîne au galop les 80 Hussards placés sous ses ordres et, d'un bond de son cheval, franchit la barrière. Une quinzaine de Hussards seulement parviennent à franchir l'obstacle et à le suivre. Avec cette poignée de braves, Schoeny traverse le bourg en sabrant tout ce qu'il rencontre et fait mettre bas les armes à 500 hommes. Il devait, pour cette action, être cité en termes élogieux et recevoir un sabre d'honneur.
Le 24 avril, le lieutenant Holossy et le lieutenant Réder chargent avec leur escadron un bataillon autrichien, le font prisonnier et s'emparent de deux pièces de canon.
Le régiment fut ensuite engagé dans plusieurs actions de détail et termina la guerre sur le Rhin. le 30 mai 1799, à Schrinheim, il surprend et capture un escadron autrichien. En novembre, à Bruckshall, le capitaine Schoeny se distingue à nouveau dans un combat d'arrière-garde contre les Hussards de Blakenstein. Il en sabre lui-même 7 et ramène 11 prisonniers.
Marcel Dupont écrit dan son beau livre : "Nos vieux houzards" :
"Si pendant toute cette période, le 3e de Hussards figure rarement à des combats importants, par contre, chaque fois qu'il y eut une action périlleuse à exécuter, coup de main, raid hardi, nos hommes étaient là, ardents, l'oeil aux aguets, la poigne ferme, prêts à foncer comme la foudre. A toutes ces qualités, communes aux autres régiments de Hussards, le 3e en joignait une autre, moins brillante à première vue, mais dont le prix est encore plus grand : la discipline. Jamais on ne vit un mouvement de révolte, jamais de protestation, jamais même ces pétitions aux représentants du peuple dont les troupes de cette époque ne manquaient pas de se servir quand elles estimaient avoir à se plaindre de leurs chefs ou de leurs effroyables misères. Et cependant, plus que tout autre, il eut à souffrir des conditions pénibles dans lesquelles les Armées de la République devaient tenir campagne."
Au début de 1800, le 3e Hussards participe à l'occupation de Mayence, puis il resta sur le Rhin jusqu'à la paix d'Amiens (1803). Il vient ensuite tenir garnison à Compiègne.