PIRE Hippolyte
A Piré-sur-Seiche, canton de Janzé, arrondissement de Rennes, Hippolyte de Rosnyvinen, comte de Piré, repose auprès de ses ancêtres dans l’enclos paroissial. Général de division du Premier Empire, Grand officier de la Légion d ‘honneur, il est né à Rennes le 31 mars 1778 à l’Hôtel du Contour de la Motte qui sera plus tard l’Archevêché. Héritier d’un grande famille, sa mère Marie Hélène, est une Eon de Vieux-Châtel et son père Pierre, comte de Piré, dit le « Petit Piré », a mené la vie dure au duc d’Aiguillon, gouverneur de Bretagne. Très instruit, il se complaisait dans les travaux scientifiques, notamment sur l’étude des canaux reliant la Loire à la Vilaine, de l’Ille à la Rance et l’amélioration du port de Saint-Malo en port de guerre.
Hippolyte de Piré émigre en 1791 et devient Garde du corps du Roi en servant à l’armée des Princes en 1792. Sous-lieutenant en 1794, il sert en Hollande au régiment de Rohan-Soubise et participe à la descente de Quiberon, le 25 juin 1795, comme aide de camp de Sombreuil et y sera blessé à la poitrine. Il parvient à échapper au massacre et se fait incorporer dans le groupe du comte de Puisaye, lui aussi rescapé de Quiberon, et réembarque avec lui sur l’escadre Anglaise. Le dictionnaire G. Six note qu’ avec le comte d’Artois, il descend à l’île d’Yeu en septembre 1796 puis cesse de servir en octobre. Il entre dans l’armée de Vendée, en mars 1796, sera blessé d’un coup de baïonnette à la main en débarquant en Bretagne.
On le voit les armes à la main dans le pays qu’il connaît bien, entre Rennes et Fougères, jusqu’à la pacification en juillet 1796. Il se retire chez lui à Rennes pour mener joyeuse vie.
En 1800, date à laquelle le Consulat succède au Directoire et rétablit la paix civile avec la liberté des cultes, Hippolyte s’engage dans les Hussards volontaires du Premier Consul. Piré écrit à ce moment : « Servir cet homme est servir sa Patrie en combattant pour son indépendance, en concourrant au-dedans au rétablissement de l’ordre ».
Maréchal-des-Logis le 1er mai 1800, capitaine le 20 juin – l’avancement est rapide à cette époque où l’on a besoin de cadres de valeur – il est licencié avec son corps le 16 août 1801.
Le 24 novembre de cette même année il épouse sa cousine Marie-Pauline Hay des Nétiumières, fille du propriétaire le plus imposé d’Ille-et-Vilaine, le plus riche en biens fonciers. Cette femme de petite santé, modèle de fidélité lui donnera quatre enfants, quatre fils…Edouard, en 1803, Ernest, en 1805, Alexandre, en 1812 et Victor, en 1815.
Hippolyte de Piré, replacé en activité, est versé à l’état-major général de la Grande Armée comme capitaine le 22 septembre 1805. Il sera à Austerlitz le 2 décembre.
En 1806, durant la campagne en Allemagne, capitaine commandant la compagnie d’élite du 5° Hussards de la brigade Lassalle, il est chargé de la poursuite à travers le pays, à la tête d’un détachement de 50 cavaliers d’élite, 25 du 5° sous les ordres de Quack et 25 du 7° sous Curély. Il entre ainsi dans Leipzig dont il s’empare le 12 octobre. Le 28, Piré se présente seul avec un trompette parlementaire devant Stettin. Piré parle avec tant d’assurance et d’arrogance au général Rhomberg, commandant de la place qu’il capitule malgré ses 6.000 hommes et 200 canons. Lasalle, Berthier, Napoléon lui-même sont ébahis et l’Empereur écrit à Murat « Si nos cavaliers prennent les forteresses, il ne reste plus qu’à fondre les canons »…
Ce 30 décembre 1806, Piré est nommé chef d’escadrons au 10° Hussards. Il se distingue encore à Eylau le 8 février 1807.
Aide de camp de Berthier en mars, il est promu colonel du 7° Chasseurs, division Lasalle, le 25 juin après avoir été fait chevalier de la Légion d’honneur par Murat lui-même et chevalier du Mérite militaire du Wurtemberg.
1808, En Espagne où il est fait baron de l’Empire le 2 août. Le 30 novembre, il est aux côtés du Major-général, le maréchal Berthier, lors de l’attaque du col de Somo-Sierra. En voyant la position du col, le colonel Piré dit : « c’est impossible ! »
Napoléon répond : « Impossible n’est pas Français ! » et lance son escadron de service les Lanciers Polonais du capitaine Kozietulski, escadron de fraîche formation qui n’a jamais vu le feu. La charge héroïque impressionne les Espagnols qui s’enfuient. La charge de 150 hommes, qui perd 57 tués ou blessés, a ouvert la route de Madrid…
Mars 1809, Piré est nommé général de brigade et commande la 2° brigade (8° Hussards et 16° Chasseurs) de la division Montbrun. C’est la campagne d’Autriche en avril 1809 et Piré sera à Tengen, Schierling, Eckmühl et Ratisbonne où il est blessé à la tête tandis que Napoléon est blessé au pied…
Ebersberg le 3 mai, Essling le 21 et 22 mai et enfin Wagram le 6 juillet. La bataille allait finir quand Lasalle, son chef direct, lui ordonne de charger avec Pajol une brigade Autrichienne en retraite vers le bourg de Leopoldau. Au cours de cette dernière charge, Lasalle est tué d’un balle en plein front…
Après Wagram, le commandant Parquin qui a laissé de si intéressants Souvenirs raconte que alors sous-lieutenant au 20° Chasseurs à cheval, cantonnant en Moravie dans le château du prince Esterhazy en compagnie de son maréchal-des logis et de son peloton de 25 cavaliers, il voit arriver le général Piré avec ses aides de camp, l’état-major du 16° Chasseurs à cheval et la compagnie d’élite du régiment. Il offre sa chambre au général qui accepte à condition de choisir après lui et d’accepter son couvert à sa table. Tout le monde est parfaitement installé au château. Le général Piré est un bon vivant. Il ne voyage jamais sans son cuisinier ce qui réjouit le prince Esterhazy : « A la bonne heure ! on peut au moins ouvrir un compte avec une clientèle pareille, avec des hôtes qui savent ce que c’est de vivre… »
Parquin note : « A 10 h. le déjeuner à la fourchette est servi, à 5 h. le dîner à deux services, dessert, café et liqueurs. Le billard, les dés et les cartes complètent agréablement le temps qui s’écoule doucement. A partir du 15 août, la chasse est ouverte. Le général est bon tireur et en compagnie de ses aides de camp, nous avons fait de nombreuses victimes parmi le gibier ».
Muté à l’armée d’Allemagne le 21 juillet 1806, Piré sert ensuite à l’armée du Brabant le 20 janvier 1810, puis le 1ere mai, au corps d’observation de Hollande, et en avril 1811 de nouveau en Allemagne, au corps d’observation de l’Elbe. En janvier 1812, il est affecté au corps de Réserve de Cavalerie de la Grande armée, commandant la 3° brigade de cavalerie légère de la 1ère division de Bruyères.
Juin 1812 : Campagne de Russie au cours de la quelle Hippolyte Piré se distingue dès le 25 juillet à Ostrowno. Dans le 10° bulletin on peut lire « La cavalerie légère se couvrit de gloire et Murat, roi de Naples, cite la brigade Piré (7° Hussards et 16° Chasseurs), succès dû à une magnifique charge exécutée par le général Piré »…
Pourquoi cette citation élogieuse ? A Ostrowno, Piré se trouve soudain en présence d’un régiment d’artillerie Russe, flanqué de trois régiments de cavalerie. Il se précipite sans hésiter au coeur du front le brise en deux tronçons , charge à droite puis se rabat sur la gauche et lui enlève ses canons. Pour cette action Piré sera fait Officier de la légion d’honneur sur le champ de bataille.
En 1813, il participe aux deux campagnes celle du printemps avec les victoires de Lützen et de Bautzen et celle d’automne, commandant le 1° brigade de la division de cavalerie légère du général Corbineau. Le 29 août 1813, à 6 heures du matin, sur ordre de l’Empereur, Piré avec sa brigade passe les ponts de Dresde pour se rendre à Meissen à mi-chemin entre la capitale de la Saxe et Leipzig et pour se mettre en liaison avec le général Margaron qui s’y trouve. Le 8 septembre à 3 heures du matin Napoléon recommande au général Piré de bien éclairer les abords de Bautzen et de chasser les Cosaques qui interceptent les communications de la ville.
Promu général de division le 15 octobre, il prend le commandement de la 9° division de cavalerie légère du 5° corps de cavalerie sous les ordres du général Milhaud et se distingue à nouveau les 16 et 18 octobre 1813, lors des violents combats de Leipzig, la Bataille des Nations, défaite qui marque le début de la fin de l’Empire.
Le mardi 19, c’est la retraite sur Mayence vers le Rhin. Le 21 octobre, général Piré reçoit l’ordre de suivre le général Lefebvre-Desnouettes qui, marche sur Fribourg avec 5.000 hommes, de passer sur la rive droite de l’Unstrut, d’occuper toute la plaine dans la direction de Weimar et d’Erfurt, de faire des reconnaissances et de se renseigner sur ce qui se passe à Cassel, capitale du royaume de Westphalie du roi Jérôme Bonaparte. Il couvre ainsi le flanc droit de la Grande Armée en retraite.
1814. Les Alliés ont passé le Rhin et la campagne se déroule cette fois sur le sol national. Les Autrichiens sont entré en France par la Suisse et les Russes et les Prussiens au nord de l’Alsace. 31 décembre 1813, à 5 heures du matin, encore dans la nuit, le général Piré est près de Colmar à la tête de 650 « Volailleux » réunis sous le nom pompeux de « division de cavalerie légère » (3° Hussards, 14°, 26° et 27° Chasseurs). Il sabre les Uhlans et les Hussards du général Bavarois De Wrède et surprend au lit le général Hardegg, ce général du diable qui harcèle les estafettes, attaque les patrouille, enlève les isolés. Il faudrait en Alsace un chef intrépide mais le maréchal Victor ne songe qu’à la retraite car il a trop peu de troupes à opposer aux torrents que les Alliés déversent sur la France.
Le 10 janvier Piré à Saint-Dié, le 29 à Brienne et les 1er février à La Rothière. Piré, comme Pajol, vif comme l’éclair fait des prouesses sabrant les régiments Russes pris de flanc..
Le 16 février, c’est à Mormant dans l’après-midi qu’il rencontre des Chasseurs Russes. Il les attire dans un ravin et en arrivant sur la crête opposée, ordonne brusquement un demi-tour, le premier rang faisant haut-la-carabine a ouvert le feu en plongeant dans la masse ennemie et lui cause de grandes pertes.
A Troyes le 24 février, à La Ferté-sur-Aube le 28, Piré sera au dernier combat à Saint-Dizier le 23 mars avec 400 Chasseurs et Hussards. Il s’empare des bagages de Langeron, émigré français, général au service des Russes, lui enlève 500 chevaux, des provisions et fait 800 prisonniers.
A Chaumont, le 25 mars le général Piré traverse la ville, coupant la ligne d’opération des Alliés, enlève des courriers, subtilise des bagages et quelques canons. Il soulèves des paysans mais c’est trop tard. Alerté par une lettre de Lavalette, Napoléon est en route pour Paris qui va tomber et se repli sur Fontainebleau.
A Fontainebleau, la 3 avril 1814, l’Empereur le fera comte de l’Empire en témoignage de sa satisfaction pour ce soldat fidèle et dévoué.
A la restauration Hipplyte de Piré est mis en non-activité et se retire à Piré. Il a agrandit le château et se consacre à sa famille. Mais, en mars 1815, le Retour de l’île d’Elbe le sort de sa réserve et il file à Rennes où, avec le général Bigarré, un autre Breton du Morbihan, il fait proclamer l’Empire à Rennes et se rend à paris se mettre à la disposition de l’Empereur qui le nomme gouverneur du Palais du Louvre et des Tuileries, puis au commandement de la 2) division de cavalerie légère placé sous les ordres du général Grouchy, commandant supérieur des 7° et19° division militaires. Grouchy est envoyé à Lyon en avril 1815, pour contenir le duc d’Angoulême qui monte la vallée du Rhône et si possible le faire prisonnier pour l’échanger contre l’Impératrice Marie-Louise restée à Vienne avec le petit Napoléon II . Piré commande l’avant-garde, descend sur Romans où il rallie les troupes du général Debelle venues de Grenoble. Par un mouvement tournant les royalistes sont pris à revers et un court combat à Pont Saint-Esprit donne la victoire aux Impériaux et le bâton de maréchal à Grouchy. Piré sera appelé à siéger au conseil de guerre qui doit décider du sort de louis de Bourbon, duc d’Angoulême, neveu et gendre de Louis XVI et futur dauphin à la mort de Louis XVIII. Il est finalement conduit à Sète pour être exiler.
Au premier jours de juin 1815, Hippolyte de Piré est affecté au 2° corps du général Reille à l’armée du Nord. C’est le début de la courte campagne de Belgique. Piré sert aux Quatre-Bras où il fait des prodiges qui ne serviront à rien à cause des retards pris par le maréchal Ney. Le 18 à Waterloo, il est placé à l’extrême gauche du dispositif à gauche de la ferme et du bois de Hougomont qui est prévu pour servir de point de fixation. Jérôme Bonaparte voulant faire du zèle s’escrime tout la journées sur cette grosse ferme et fait tuer trop de monde. Piré est laissé seul sans être employé. Ce sera bien le seul de cette journée à ne pas souffrir, ses Lanciers se bornant à des attaques sur la chaussée de Nivelles et sa batterie à procéder des tirs d’artillerie pour enfoncer les murs de la ferme.
Le soir de la terrible retraite, poursuivis par les Prussiens, les cavaliers du général Piré peuvent se rallier sur les Quatre-Bras et les débris de la grande armée se rassemblent sur Laon.
Le 1er juillet à Rocquencourt près de Versailles, la dernière étincelle de l’Epopée Impériale, verra les généraux Exelmans et Piré, avec le 44° de Ligne, sabrer les Prussiens du général Sohr et poursuivre dans les rues de Versailles les Hussards de Poméranie et de Brandebourg, faisant 437 prisonniers, le reste des 800 Prussiens étant blessé, tué ou disparu.
Grâce à l’intervention de Vitrolles, le général Piré sera simplement proscrit par l’ordonnance du 24 juillet 1815, chef d’oeuvre du Nantais Fouché, ministre de la Police du roi Louis XVIII, lui qui avait pourtant bien voté la mort de Louis XVI…Par la protection du tsar Alexandre qui se souvient des ses exploits d’Ostrowno, Piré choisit de s’exiler en Russie. Il passe alors en Allemagne par Dresde où il réside un moment ayant là aussi laissé de bons souvenirs. Le duc d’Otrante Fouché, en disgrâce maintenant que le trône s’est raffermi, y est nommé ambassadeur et rejoint avec sa toute jeune épouse Ernestine de Castellane. Piré regagne Saint-Petersbourg où il demeure jusqu’en 1819 quand Louis XVIII l’autorise à renter en France.
En 1820, il est fait Chevalier de Saint-Louis et sans commandement il rejoint son château de Piré. L’antique manoir de ses ancêtres est devenu une des plus belles habitations des environs de Rennes. Le temps passe et Piré est toujours délaissé par le pouvoir.
En 1827, il a la douleur de perdre son fils aîné, Edouard. Ses autres enfants vont leur train son fils Ernets épouse Gabrielle de Sampigny d’Isancourt, son troisième fils Alexandre, « l’enfant de Wagram » épouse Laurence de Lambilly, de vieille famille rennaise et son dernier Hippolyte épouse sa cousine, la fille d’Ernest. En 1846, il aura le chagrin de perdre sa femme.
Sous la Monarchie de Juillet, en 1830, Piré aura quelques commandements de divisons militaires à Châlons-sur-Marne puis à Metz et enfin Montpellier. En janvier 1834, il est fait Grand Officier de la Légion d’honneur. Cependant il ne participe ni à la prise d’Anvers ni à la Conquête de l’Algérie. Il n’accède pas plus à la pairie qui le tente tellement.
La Révolution de 1848 le verra mener son dernier combat sur les barricades. Il a 70 ans il sert en simple uniforme de garde national. La II° République lui décerne le titre de « Premier Garde national de Paris » dont il se disait très fier…
Deux ans plus tard le 21 juillet 1850, il meurt à Paris. Son corps est déposé dans les caveaux de l’Eglise de la madeleine et un service solennel est célébré le 6 août en présence de la 1ère Légion de la garde nationale, puis il est transporté à Piré-sur-Seiche, sa paroisse où il est inhumé auprès de ses ancêtres le 19 août. Il avait avant de mourir la joie de voir son nom gravé sur l’Arc de Triomphe de l’Etoîle…