J'inaugure une serie de fiches sur des emigres, ennemis de Napoleon, que l'on retrouve lors de la campagne de Russie. Toute remarque, precision et critique constructive sera la bienvenue
Alexandre-Louis Andrault, comte de Langeron (1763 – 1831)
Né à Paris le 13 Janvier 1763, d’une famille d’ancienne noblesse nivernaise, Alexandre-Louis de Langeron participe sous l’Ancien Régime à la guerre d’indépendance américaine à l’âge de vingt ans. En 1790, il émigre en Autriche puis en Russie, où il se hisse aux positions les plus élevées, sans doute en raison de ses relations avec le grand-duc Paul, franc-maçon comme lui : général-major en 1797, lieutenant-général en 1799, quartier-maitre général en Courlande, inspecteur de l’infanterie, il est fait chevalier de l’ordre de Sainte-Anne et enfin comte de l’Empire le 29 Mai 1799 . En 1796, il avait rédigé un ouvrage complet et fidèle sur les armées russes, « Détails sur la composition des armées russes et des armées turques et projets de guerres offensives contre les Turcs ». Dès le premier paragraphe, il donne son opinion sur l’armée russe : « L’armée russe, par sa composition et les abus qui y règnent, devrait être la plus mauvaise d’Europe, et cependant elle en est l’une des meilleures ».
Le 2 Décembre 1805, il commande une division russe à la bataille d’Austerlitz, sur le plateau de Pratzen, où les événements lui donnent raison contre son supérieur, le général-comte (russe) Buxhőwden. Tombé en disgrâce, il sert pourtant à nouveau contre les Turcs à partir de 1807. Après avoir négocié pour le tsar le rattachement de la Moldavie début 1812, il commande une colonne sous les ordres de l’amiral Tchitchakov contre la Grande Armée en 1812, marchant de la Valachie vers la Lituanie. Il est présent lors du passage de la Berezina (26 – 28 Novembre 1812) et poursuit les restes de l’armée française jusqu'à la Vistule via Vilnius. Dans ses mémoires sur la campagne de 1812, il y montre « des combats sans merci au cours desquels les prisonniers étaient massacrés, la population civile pillées, les églises profanées, et les soldats blessés abandonnés à leur sort. »
Combattant encore à la bataille de Bautzen (19 – 21 Mai 1813) et à celle de Leipzig (16 -19 Octobre 1813), en 1814 il prend Reims, Chalons, Laon et Le Bourget. Le 30 Mars 1814, il combat les troupes du Général Moncey place Clichy à Paris, et prend d’assaut la butte Montmartre !
Il commandera les troupes russes une dernière fois en 1828 contre l’armée turque et décèdera du choléra le 4 Juillet 1831 à Odessa, en Crimée, dont il fut le cofondateur en 1803 avec son ami le duc de Richelieu. Il aura servi sur presque tous les champs de bataille en Amérique et en Europe, de 1783 à 1829, sans avoir jamais été grièvement blessé, et il n’eut, selon sa propre expression, qu’ « un cheval et deux redingotes de blessés… »
Sous l’uniforme du mercenaire, il aura gardé toute sa vie la tournure et l’esprit de l’ancienne cour de Versailles. Il aura déployé à la guerre autant de bonne humeur que de témérité. On mettra en exergue deux de ses « bons mots » :
• A un de ses subordonnés, dont il était mécontents des dispositions : « Ma foi, vous n’avez pas peur de la poudre, mais vous ne l’avez pas inventée non plus ».
• Au général Buxhőwden, à Austerlitz, qui lui disait « Mon cher ami, vous voyez des ennemis partout ! », il rétorqua : « Vous, Monsieur le comte, vous n’êtes plus en état d’en voir nulle part ! »
Ecrivant dans son journal que la Révolution française avait apporté beaucoup de malheurs, l’empereur Alexandre 1er ajoutait toutefois : « Il convient néanmoins de considérer comme positif le fait qu’elle m’a donné trois Français éminents : Richelieu, Traversey et Langeron ».