L'Empereur et la jeunesse

Voici ce qu'en plein psychodrame espagnol, le Bayonne, 8 mai 1808, IL trouvait le temps d'écrire :

Au général Clarke, ministre de la guerre, à Paris
Je suis mécontent de la conduite des élèves de l'École d'artillerie de Metz et de la faiblesse du commandant. Ces jeunes gens font d scènes au théâtre, qui indignent tous les honnêtes gens. Vous ferez mettre à l'ordre de ma part qu'ils garderont les arrêts pendant un mois, sans sortir de l'enceinte, et qu'ils seront privés de la comédie pendant un an. Ceux qui y seront trouvés seront punis comme ayant contrevenu à un ordre donné. Témoignez mon mécontentement au colonel et au commandant d'armes; ils montrent la plus extrême faiblesse. Comme militaires, les élèves sont sous l'obéissance du commandant d'armes, lorsqu'ils sont hors de l'École.

Que je n'en entende plus parler ! Je ne souffrirai pas qu'une poignée de morveux inquiète toute une ville. Tolérer ces excès aurait pour résultat de les élever dans l'indiscipline. Qu'on vous envoie la liste des six plus mutins; vous les ferez mettre dans la prison de l'école pendant deux mois.

Le colonel sera désormais responsable de l'indiscipline qu'il y aurait dans cette école. Vous écrirez à la police de Metz, pour que ceux qui, d'ici un an, iraient au spectacle, soient arrêtés, déguisés ou non.


Je ne pense pas qu'Alfred de Vigny ait eu connaissance de cette lettre quand il a campé, dans "Servitude et grandeurs militaires", le personnage de ce vieux sous-officier qui marmonnait sans cesse - je cite de mémoire, car je n'ai plus le livre -
'Cela t'apprendra à siffler'

Aujourd'hui, l'Empereur aurait mmédiatement les parents d'élèves sur le dos !

C'ést une école militaire. Personne n'est syndiqué.

Pas de CSFM non plus.

Comme disait ma grand-mère, "ce qui leur manque c'est une bonne guerre" ; ils ne perdaient rien pour attendre, les morveux!...
Ce qui m'épate le plus c'est qu'au moment où il accomplissait des actes gravissimes - "allumer la mèche", "passer le Rubicon", voler leur couronne aux Bourbons d'Espagne - qui allaient déclencher une série de catastrophes et, au bout du compte, le conduire à sa perte, il ait trouvé le temps et le surcroît d'énergie pour s'inquiéter d'incidents au théâtre de Metz ! et d'écrire le même jour au ministre de la Police, Fouché, pour qu'il tire l'affaire au clair : "Je vous envoie une lettre qu'il est très important que vous preniez en considération. S'il y a des embaucheurs, faites-les arrêter" .

Ce qu'il faut à un morveux, ce n'est pas une guerre, mais un mouchoir disait la mienne.