Dureau de La Buffardière un maire d'Evreux sous le Consulat et l'Empire par Jean-Yves Labadie (Bulletin APN n°1) Le système électoral établi sous la Révolution étant trop "bureaucratisé" au goût de Bonaparte, celui-ci une fois au pouvoir, décide que désormais tous les fonctionnaires seront nommés par le gouvernement (1). Mais les maires ne jouiront plus du prestige que leur aurait conféré une véritable élection (2).
C'est ainsi que Dureau de la Buffardière dont le Préfet de l'Eure, Armand-Claude Masson de St-Amand (3), propose la candidature comme maire d'Evreux, le 1er Prairial an VIII (20.05.1800), se retrouve après la confirmation du ministre de l'Intérieur, Lucien Bonaparte, datée du 4 prairial et reçue le 6, être le premier maire d'Evreux à être non pas élu mais nommé.
Le 14 Prairial, Dureau de la Buffardière est invité par St-Amand pour la remise des fonctions et son entrée officielle en toute solennité à la Mairie le 20 de ce mois (4).
Mais qui est exactement Dureau de La Buffardière ? Son acte de décès nous apprend qu'il se prénomme Michel-Guillaume "né le 24 mars 1747 dans la ville de Mamers, Sarthe, du légitime mariage de Jean Dureau de La Buffardière et de dame Marie Fleury"(5). Il est l'aîné de trois frères que l'on appelle Les chevaliers de la Buffardière (6). L'armoirie de sa famille est : D'azur, à un rocher d'argent, issant d'une onde de même et surmonté de trois étoiles d'argent, posées 2 et 1 (7).
Nous ne retrouvons sa trace que bien des années plus tard, (d'après certaines sources, il aurait, entretemps, servi dans l'armée du Roi (

), à Gaillon où il fait connaissance de sa future femme, Marie-Louise-Reine de Gennes de Montmartin (issue de l'union entre Philippe-Dominique-Nicolas de Gennes, écuyer, seigneur de Montmartin, garde du corps du roi et chevalier de St-Louis, et de Marie-Claude- Geneviève Mengin de Fondmarin, fille d'un receveur de la capitulation des villes, faubourgs et banlieue de Rouen) qui est de 22 ans sa cadette puisque née le 5.01.1770. Leur mariage a lieu à Rouen en la paroisse St-Martin sur Renelle le 14.12.1790. Sa femme se fait baptiser le lendemain, en la paroisse St-Godard de Rouen (9);Mais, selon la tradition orale (

, peu de temps après leur mariage, la Révolution "battant son plein", le couple se retrouve emprisonné à Angers comme nobles, toutefois, la chute de Robespierre en1794, les sauve de la guillotine. Après avoir été libérés, Michel et son épouse se rendent à Mamers du 27 thermidor jusqu'au 15 pluviôse r y tenir certificat de civisme (10) et viennent s'installer à Evreux, rue de la République (rue de l'Horloge) au° 1136, où ils s'inscrivent sous le nom de Dureau. En 1795, quand la belle-mère de Michel vient le rejoindre, le ménage possède deux domestiques (11).
Quatre filles et un garçon voient le jour à Evreux (11) :
-Clémentine-Henriette, le 12 germinal an V (1.04.1797) ;
-Elisa-Marie, le 26 frimaire an VII (16.12.1798) ;
-Claire-Albertine, le 17 fructidor an X (3.09.1802) ;
-2 faux jumeaux : Auguste et Arsène (filles) nés le 13 frimaire an XIV (4.11.1805).
A l'époque de son "élection", le De de la Buffardière refait son apparition. Evreux est alors une commune de 9.238 habitants (12), mais sur ce nombre très peu ont le droit de vote : le 24 floréal an X (3.06.1802) a lieu l'ouverture des registres sur la question Napoléon sera-t-il Consul à Vie ? La clôture a lieu le 30 de ce mois (4). A Evreux, le 1er Prairial sur les 500 votants d'inscrits (13), le résultat donne 404 oui contre 1 non (4). Quelques mois après ce "référendum", Bonaparte fait une tournée dans la région, et le 7 braire an XI (27.10.1802) tout est prêt à Evreux pour l'arrivée du héros bienfaiteur des Français (4). Le maire se rend en grande pompe au-devant du chef de l'Etat pour lui apporter les clefs de la ville ornées de glands d'or et de rubans, mais celui-ci passe devant sans s'arrêter pour se rendre directement à l'Hôtel du Préfet. De La Buffardière et les autres fonctionnaires municipaux s'empressent de le rejoindre pour présenter leurs hommages au héros. Une fois introduit auprès de lui, le maire lui remet les clés de la ville en lui disant : Général, 1er Consul, en vous présentant les clés de la ville, je viens vous offrir les vœux et la reconnaissance de tous ses habitants. Bonaparte lui pose alors différentes questions sur l'état de la ville, de sa population et de ses habitants.
Toute la journée, la ville est en liesse et le soir ont lieu un feu d'artifice sur la place du château, des danses jusqu'à fort tard dans la nuit (...)A l'Hôtel de Ville, on peut lire sur un transparent l'inscription :Vive à jamais Bonaparte, le Pacificateur de l'Europe. A 20 h. le 1er Consul reçoit les corps constitués et les fonctionnaires publics. De jeunes demoiselles élégamment vêtues viennent offrir un bouquet à Mme Bonaparte, l'une d'entre elles, Mlle Delaroche, adresse des couplets au 1er Consul et à son épouse. C’est mademoiselle De la Buffardière, fille du maire, qui présente le bouquet.
Le lendemain matin, Dureau de la Buffardière et le conseil municipal se rendent de bonne heure à l'Hôtel de la Préfecture pour saluer le chef de l'Etat à l'occasion de son départ. Mais celui-ci ne reçoit personne. Aussi, doivent-ils attendre dans la cour de la Sous-préfecture pour le saluer au passage. C’est sous les acclamations que Napoléon Bonaparte et sa suite sortent de la ville par la barrière de Rouen (4).
Le 3 prairial an XII, le maire publie le décret "impérial" proclamé par le Sénatus-consulte qui en appelle au peuple sur la question Napoléon Bonaparte sera-t-il empereur des Français ? (4) : Il ne faut pas oublier, bien que ce décret te le titre de "impérial" et soit signé Napoléon par l'Empereur, que sous l'Ancien Régime et la Révolution, la France était considérée come un empire. La chanson Le Salut de l'Empire date de 1792 et était réservée aux armées républicaines avant de devenir plus tard un chant Bonapartiste (14).
Les registres sont ouverts à partir du 5 Prairial, pendant 12 jours. A Evreux, sur les 550 votants, le nombre d'abstentions est à peu près le même que la première fois (une centaine), ainsi que les oui (un peu plus de 400), par contre les non connaissent une "légère" augmentation (de 1, ils passent à 2). Qui sont ces deux courageux ? S'agit-il des sieurs Aubé et Demillevile, membres du Conseil Municipal et qu'un décret de l'empereur du 30 ventôse an XIII (20 mars 1804) remplace, car démissionnaires, par messieurs Graimbert et Duvancel (4) ?
Entre temps, pendant les élections, De la Buffardière reçoit M. de Chambaudoin, préfet de l'Eire, un exemplaire de l'arrêté du 9 prairial qui fixe au 18 la prestation du serment ordonné par le Sénatus-consulte à l'Empereur (4). Le 18 fructidor an XII (4.09.1804), le maire nomme Rouillone et Soissons, députés de la Garde Nationale pour assister au sacre. Le choix est approuvé par le préfet. Le 19 brumaire an XIII (10.11.1804) ont lieu deux autres nominations, les sieurs Corneille et Rousseau auront, eux aussi, l'honneur d'assister au couronnement. Le 1er Germinal an XIII (21.03.1804), les médailles d'or sont remises aux députés de la Garde Nationale à l'occasion du sacre (4). Tous les ans, pour fêter l'anniversaire du sacre (plus tard, par la même occasion, la bataille d'Austerlitz), le maire se doit de distribuer de la nourriture aux pauvres et de choisir la jeune fille à marier, qui, pour cette occasion, recevra la dot de bienfaisance de Sa Majesté. Plus tard, le mariage de l'empereur avec Marie-Louise, le 25 mars 1810, et la naissance du prince impérial, 20 mars 1811, seront célébrés avec le même faste.
Le 18 vendémiaire an XIV (9.09.1805), un registre est ouvert pour l'inscription des jeunes qui désirent entrer dans la Garde d'Honneur de l'Empereur (celle-ci est réservée aux personnes aisées). Le conseil d'administration de ce corps est formé de : 1 capitaine, 1 adjudant-major ayant rang de capitaine, 1 quartier-maître trésorier, 1 lieutenant, 1 sous-lieutenant, 1 sergent-major, 2 tambours et 4 fusiliers. Le Maire préside le conseil et, en cas de partage, le président a voix prépondérante (4) (15).
Mais fastes et honneurs ne suffisent pas toujours pour plaire. La preuve en est que, le 30 avril 1806, suite à des rumeurs concernant la garde nationale (la majorité des Ebroïciens ayant refusé de s'y enrôler, et, ce qui est pis, ayant fait un acte prohibé par les lois : une pétition collective, le maire se voit dans l'obligation de faire une proclamation à la fois menaçante à ses administrés (4).
(A suivre)