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....Quand les Grognards deviennent sujets du Tsar.... (Sources Vladène Sirotkine).
Le 21 décembre 1812, le général Koutouzov informait le Tsar Alexandre 1er, que la campagne se terminait par la destruction complète "de l'ennemi". Depuis, les historiens russes et français se disputent et sur les chiffres des morts et sur le destin des rescapés de la Grande Armée.
En fait, tous les calculs sont teintés de chauvinisme...les Russes gonflent les pertes ennemies. Koutouzov lui-même, en écrivant aux siens, estimait qu'il avait fait prisonniers 150 000 hommes et récupéré 850 canons (presque tous les canons ont été conservés et se trouvent au Kremlin ou dans les musées consacrés à la campagne de 1812 à Borodino, Viazma, Maloïaroslavets, Smolensk...ect).
Ce chiffre de 150 000 prisonniers ne comprend pas les 50 000 à 60 000 soldats et officiers qui, malades, exténués ou légèrement blessés ne furent pas à même de suivre la Grande Armée battant en retraite le long du Vieux Chemin de Smolensk. Tous les auteurs de mémoires notent que lors du passage de la Berezina 25 000 à 30 000 restèrent sur la rive "russe".
Sur ces milliers d'hommes, un bon nombre essaya de trouver un abri...les officiers dans les châteaux et les soldats dans des maisons particulières. Les uns et les autres passèrent l'hiver rigoureux de 1812 - 1813 comme précepteurs ou valet de ferme. Certains s'attardèrent même en Russie. Par exemple, G.Capet, un officier de la garde de Napoléon, blessé, fut précepteur plusieurs années après la campagne de 1812 du futur grand poète russe Lermontov, lui ayant inculqué le culte de Napoléon, le " génie de l'époque".....A la différence de Pouchkine et de Tolstoï, Lermontov, qui périt très jeune, resta un admirateur fervent de Bonaparte.
La guerre en Europe sévit en 1813 et 1814 et le gouvernement russe dut résoudre le problème des prisonniers de guerre (officiel et non officiel)...ces derniers se cachaient chez des nobles et des paysans.
On trouva une solution. En juillet 1813 fut publiée une circulaire de K.Viazmitinov, Ministre de la Police, suivie en novembre 1813 d'une ordonnance (oukase) du Tsar d'après lesquelles les prisonniers de guerre de la Grande Armée pouvaient, à titre de colons étrangers, se faire naturaliser russes. Ils étaient libre de pratiquer leur culte, libérés du service militaire, exemptés d'impôts pour cinq à dix ans. En même temps, ils touchaient un subside pour "pouvoir établir une économie" et recevaient un lopin de terre en Ukraine ou en Sibérie.
L'ordonnance prévoyait une citoyenneté provisoire (de deux à trois ans) ou "éternelle", et exigeait de préciser l'appartenance à telle ou telle couche sociale, la noblesse (officiers), la bourgeoisie (la classe bourgeoise), comme disait l'ordonnance, le clergé (anciens aumôniers de la Grande Armée) ou la paysannerie (paysans libres ou ceux d'Etat).
Les artisans (classe bourgeoise) avaient le droit d'ouvrir des ateliers, ceux qui allaient travailler dans les usines et les fabriques concluaient un contrat individuel avec la patron de l'entreprise (en présence d'un fonctionnaire d'Etat) sur l'embauche et les conditions de travail (ce qui était inconnu des ouvriers serfs en Russie).
En Août 1814, près d'un quart des prisonniers de guerre se fit sujet du Tsar....la majorité prit la citoyenneté russe provisoire. La guerre continuait toujours, on n'en voyait pas la fin, alors que le statut de citoyen russe provisoire était beaucoup moins contraignant que celui de prisonnier de guerre.
Dans toute l'histoire de la Russie depuis Pierre 1er, ce fut le projet le plus audacieux, qui prévoyait de verser un contingent de près de 20 000 ressortissants d'Europe occidentale (l'épuivalent de la population d'une ville comme Moscou ou Saint-Pétersbourg en 1812) dans l'industrie, le commerce et l'agriculture. Lorsque les royaliste avaient immigré en Russie, comme le duc de Richelieu, le comte Langeron, ect...ils avaient été affectés à l'armée ou à l'administration.
Pourtant cette expérience ne dura pas. Le Premier Empire s'effondra en 1814 et les Bourbons demandèrent à Alexandre 1er de rendre les prisonniers de guerre à la France. Les guerres avaient décimé les hommes aptes au travail, accentuant la chute démographique.
F.Glinka, officier décembriste, participant à la campagne de 1814 en France, nota sur son journal...."Partout où nous passions il n'y avait qu'enfants, femmes et vieillards, où sont donc les hommes, la fleur de l'adolescence ?".
Le Tsar réagit rapidement à la demande de Louis XVIII. Le baron Morain, commissaire au rapatriement, "commissaire au roi au renvoi accéléré en France des prisonniers de guerre se trouvant dans l'Empire russe" comme le disait son mandat, arriva bientôt en Russie.
A partir de l'été 1814, dans les journaux russes, Morain commença à faire publier des annonces en français et en allemand sur le rapatriement des prisonniers de guerre.
Une majorité, y compris ceux qui avaient pris la citoyenneté russe provisoire, répondit à cet appel. En automne 1814, le premier transport maritime comprenant trois bateaux, avec 900 anciens prisonniers de guerre à bord, quitta Riga pour le Havre. Plus tard à la fin des années 1814 -1815 (après l'intervale des Cent-Jours), la majorité des prisonniers de guerre regagna la France soit par mer soit par terre.
Mais pas tous. Ceux qui n'avaient pas beaucoup servi ou, au contraire, les vétérans, ceux qui n'avaient pas de famille ou ceux qui avaient perdu leurs parents ne tenaient pas à revenir en France. Les rapports des généraux-gouverneurs de l'époque abondent en refus de partir.
Le 17 août 1814, le général-gouverneur de Novgorod nota..."Sur ces groupes de prisonniers de guerre voyageant à travers le gouvernement de Novgorod, il y en a qui, revenant dans leur pays, expriment le désir de rester, quittent leur groupe, uniquement pour prêter serment et acquérir la citoyenneté russe".
la pression de ceux qui ne voulaient pas s'en aller fut assez forte pour que le 29 août 1814... le Tsar fasse paraître un nouvel "oukase"...le rapatriement est facultatif, il ne faut renvoyer personne de force en France.
Par ailleurs, jusqu'en 1816, les Bourbons firent paraître en français, dans les journaux russes, des annonces sur un retour immédiat de leurs sujets. le nombre de soldats et d'officiers de Napoléon restés en Russie àprès 1815 était donc considérable. Les Bourbons n'auraient pas déployé une telle activité pour quelques centaines de personnes.
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