SAMEDI 18 MARS 1815 :
La défection du maréchal. Ney fait forte impression dans la capitale. Un courrier de la malle-poste, parent d'un valet de chambre de la reine Hortense, arrivant de Lyon, où il avait été le témoin de l'arrivée triomphale de l'Empereur, fut appelé aux Tuileries et admis en présence du roi.
Interrogé par Louis XVIII, il décrit ce qu'il a vu à Lyon et à Auxerre : " Ma foi, Sire, votre noblesse est bien lâche. J'ai vu votre frère revenir seul avec deux gendarmes. tout le reste l'avait abandonné. "
Les courtisans s'empressèrent de lui imposer le silence.
Le Roi, fort accablé, mit ses deux mains sur la figure et le congédia.
Le directeur de la Police lui interdit de raconter ce qu'il avait vu et de sortir de chez lui....
Mais le courrier raconta tout à sa fille qui alla le dire à son mari..."
C'est dans les Mémoires de la Reine Hortense, aux pages 324 et 325 du Tome II, chez Plon en 1927.
Ceux qui voulaient se reposer à Auxerre en sont pour leur frais.
Napoléon réunit les bateliers et les retient pendant une heure.
Ils médusés de voir qu'un Empereur en sait sur la batellerie autant qu'un marinier...
Les troupes vont remonter par le coche d'eau, en péniches, barques, tout ce qui flotte...
Par Fleury de Chaboulon, qui a intercepté des dépêches, il apprend qu'on cherche à le supprimer : " je ne puis concevoir comme des hommes exposés à tomber dans mes mains peuvent mettre ma tête à prix. Si j'eusse voulu me défaire d'eux, j'aurais trouvé comme eux des Georges, des Brûlart, des Maubreuil " (Chaboulon, tome I page 196...)
Ce même jour, le Duc d' Orléans est à Cambrai accompagnant le maréchal Mortier...
Il pense fort que Napoléon va faire tomber la branche aînée, puis sera chassé par les Souverains Alliés et que lui n'aura qu'à tirer les marrons rôtis, du feu...
Le journal Le Moniteur annonce que le calme a été rétabli à Lyon, que le général Marchand a reconquis Grenoble, et Napoléon est pris en tenaille par les troupes remontant le Rhône et l'armée rassemblée près de Melun sous les ordres du Duc de Berry secondé par le maréchal Macdonald.
Vive discussion entre Berry et Macdonald qui part vers le roi offrir sa démission...
Louis XVIII n'accepte pas.
Le maréchal dans ses Souvenirs parus chez Plon en 1892, écrit qu'il est
" bien résolu à ne plus se mêler de rien, sauf à suivre avec loyauté la ligne de ses serments. "
(pages 358 et 359...)
Il demande au Roi de lui dire en cas d'évènements dans quel département il se propose de se retirer
- Dans la Vendée, répond Louis XVIII ...
- Dans ce cas tout est perdu, si votre Majesté prend cette direction, Elle y a sans doute, des partisans plus qu'ailleurs, mais le plus grand nombre restera inactif : il est fatigué, rassasié de guerre civile. Vous y serez poursuivi, on s'emparera des côtes et toute retraite sera impossible.
Rendez vous en Flandre, l'esprit des départements du Nord et du Pas-de-Calais vaut mieux qu'ailleurs... L'une ou l'autre des places servira de ralliement où vous pourrez établir votre gouvernement..."
Bon comédien Louis XVIII avait dit Vendée pour s'entendre répondre Flandre....
On sait que les Bourbons n'ont pratiquement jamais rien fait pour les Vendéens...
Macdonald devenu le soutien de la royauté pourra le soir même reprendre le duc de Berry, revenu de Melun et qui lui jette
" Oublions ce qui s'est passé ce matin et travaillons ensemble. Dès ce moment vous êtes chargé de tout
- Cela ne se fait pas ainsi répond Macdonald, faites mettre à l'ordre que je prendrais demain à 10 heures le commandement et que la correspondance me soit adressée... "
Ce même jour, en Italie, Murat se met en marche pour Rome
A Auxerre, Napoléon écrit à Marie-Louise, sa troisième lettre depuis son départ de l'île d'Elbe qu'un officier déguisé en négociant tentera de porter à Vienne:
" Ma bonne Louise,
Les peuples courent en foule au-devant de moi. Des régiments entiers quittent tout pour me rejoindre Je serai à Paris quand tu recevras cette lettre. Viens me rejoindre avec mon fils.
J'espère t' embrasser avant la fin du mois "
DIMANCHE 19 MARS :
C'est le Dimanche des Rameaux et du buis béni !
Vous avez tous lu La Semaine Sainte d'Aragon...chez Gallimard.
L'Observatoire de Paris indique 8 degrés et une pluie fine, puis temps couvert pour la journée. Il y a eu des gelées dans l'Est et le Centre. Soleil sur la Méditerranée et Dauphiné. les bords de l'Yonne sont saupoudrés de neige...
La journée du 18, Napoléon a organisé le dernier bond qui le conduira à Paris.
Par l'intermédiaire de Bertrand et de ses secrétaires, aide de camp il a fonctionné comme à la veille d'une bataille.
Ce dimanche, Ali a changé la voiture qu'il trouvait trop "dure", les ressorts fatigués, pour celle du préfet Gamot, et, également, pour passer inaperçu...
D'Auxerre à Joigny, voiture à six chevaux au grand galop. On relaie hors de la ville de Joigny pour aller plus vite. Les postillons se rangent dans une auberge du faubourg, on s'y arrête une heure pour une coalition et pour laisser les voitures suivantes rejoindre.
Puis on traverse Joigny, ventre à terre, direction Sens...