En l'an X (1802) le premier consul Bonaparte avait ordonné de rendre praticable pour les voitures le chemin de Grasse à Sisteron, marqué sur la carte de Cassini. Ses instructions n'ont pas été exécutées, la route a été commencée à l'autre bout à partir de Sisteron jusqu'à Digne
Il croyait cette route faite. Effectivement, elle a été tracée, mais non achevée.
L'avenue Thiers, la route pour aller à Nice, n'existait pas à l'époque, donc, faute de route carrossable, il faut abandonner sur la place de la Foux les 4 canons, la berline de voyage réquisitionnée à Golfe-Jouan, et les voitures achetées à Cannes.
Napoléon les fait remettre à la municipalité, en recommandant bien de les envoyer à l'arsenal d'Antibes, et on monte à Roccavigon par le Chemin des Carrières.
Paul sénéquier, juge de paix à Grasse à la fin du 19° siècle a beaucoup écrit sur l'histoire locale, et il a noté: «Plusieurs vieillards, il y a plus de 50 ans, m'ont dit avoir vu l'Empereur là, à Roccavignon, au milieu de l'aire à fouler le blé, assis sur une pile de sacs de soldats, déjeunant d'un poulet rôti. Un de ces vieillards lui avait offert un bouquet de violettes que Napoléon accepte gracieusement, ce qui lui vaudra le surnom de «Père la violette». Pendant ce temps, les officiers se rasaient dans la petite cour située en avant de la bergerie voisine, à l'aide de miroirs de poche accrochés aux murs.»
Peyrusse note dans ses mémoires que c'est à ce bivouac qu'on entendit pour la première fois des «Vive l'Empereur» criés par des Français !
De ces hauteurs de Grasse, on voit la flottille, déjà sortie du Golfe-Juan, qui repart pour I'île d'Elbe. Le brick l'Inconstant ira radouber à Naples et reviendra à Toulon ensuite. Les autres bâtiments retourneront à Porto-Ferrajo. Madame Mère et Jérôme l'ex-roi de Westphalie, débarqueront eux aussi à Golfe-Jouan dans moins d'un mois.
Le général Drouot, et l'arrière-garde restent en ville pour régler les derniers détails. L'imprimeur Dufort, rue de l'oratoire, par crainte d'être soupçonné n'a pas terminé son travail. Sans les affiches, Drouot quitte Grasse dans l'après-midi.
De nos jours quelques Grassois fiers-à-bras, affirment que Napoléon ne s'est pas arrêté dans leur ville. Et pourtant, il a bien fallu qu'il s'y arrête puisque c'était un cul-de-sac, et on peut affirmer, en comptant l'avant-garde, le bataillon, puis l'arrière-garde, qu'il y a eu des soldats toute la journée dans cette bonne vieille cité médiévale, pour le grand bonheur des commerçants.
Ce sera le même scénario dans chaque ville traversée.
Le général Cambronne en avant-garde, quitte Roccavignon vers midi, pour St Vallier.
Le chemin est très mauvais, il fait chaud, bien qu'on soit bientôt à 700 mètres d'altitude.
Il y a à Grasse un descendant de Cambronne, le docteur Alain Cambronne qui a raison de dire que la Route Napoléon aurait pu s'appeler la Route Cambronne tant son ancêtre sera déterminant dans le bon déroulement de cette épopée. Pierre Cambronne, ce breton têtu, général aux 17 blessures, est une des figures légendaires de la Révolution et du 1er Empire. Il n'est pas rancunier, après avoir répondu «Merde» aux Anglais, et laissé pour mort à Waterloo, il épousera une Anglaise. Il s'éteindra dans sa bonne ville de Nantes à 72 ans !