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Desgenettes et Larrey, Mobilisés pour Lutter contre la Peste...! .....
(Sources Jean François Lemaire). .. .. .... René Nicolas Desgenettes °1762+1837 ---- Dominique Jean Larrey °1766+1842. En Egypte, les médecins soignent les blessés par balle et par sabre. Mais la grande affaire de l’expédition reste, pour le service de santé, la peste.
Trois médecins siègent, dès sa création, au sein de l’Institut d’Egypte.. Berthollet, de formation médicale, mais qu’il faut classer parmi les savants… Desgenettes, médecin en chef du corps expéditionnaire, et le chirurgien Dubois, qui n’a de cesse de rentrer en France. Ce n’est qu’à son départ que Bonaparte nomme pour le remplacer Larrey, chirurgien en chef de l’armée.
Il existe une grande différence entre Desgenettes et Larrey. Le premier, lettré, traite d’égal à égal avec les plus grands, le second, besogneux et hâbleur, tire sa gloire de son proverbial dévouement aux blessés. Un autre détail les situe l’un l’autre. Dans les dernières années de l’Ancien Régime, Desgenettes parachève sa culture générale par un « grand tour » d’Italie.
Larrey, à la même époque, débute comme aide-chirurgien sur « la Vigilante », une frégate chargée de protéger notre flotte de pêche au large de Terre Neuve.
Quoi qu’il en soit, grâce aux bouleversement apportés par la Révolution, les voici tous deux, à moins de 40 ans, versé au service de santé de l’armée d’Egypte. Pour Larrey, l’expérience qu’il va y acquérir sera appréciable. Les chirurgiens se trouvent en effet en présence de plaies par balle d’un genre nouveau….. Un pédicule en fer prolongeant le projectile en complique l’extraction.
Pour les plaies par armes blanches, la situation n’est pas meilleure, l’expédition faisait connaissance avec les sabres courbes des Mamelouks. Prolongeant une situation déjà observé dans la campagne d’Italie, c’est dépourvus de leurs caisses d’instruments ou d’appareils de pansements, toujours égarées ou en retard, que les chirurgiens, bien souvent, vont devoir faire appel à leur imagination.
Avec un certain bonheur assez souvent, dû essentiellement à cette relative rapidité des premiers soins dont Larrey a fait sa bible. Mais si redoutables que sont en Egypte les sabres de Damas ou les balles pédiculées, le véritable ennemi est autre. Relevant non plus de Larrey, mais de Desgenettes…. Il s’agit de la peste.
Dès son apparition, celle-ci inquiète Bonaparte, moins par la perspective de ses ravages qu’en raison des perturbations que causent les rumeurs de contagion, minant le moral des soldats et désorganisant l’armée. Ceux « qui sont habitués à braver la mort dans les combats ne l’attendent pas dans leurs lits avec plus d’indifférence que les autres » … commente Desgenettes, qui acquiesce à la suggestion du général en chef de nier la réalité de l’épidémie et d’en déguiser le diagnostic sous celui de banales poussées de fièvre « s’accompagnant parfois de boutons ».
Et le médecin en chef de commenter… « En cette circonstance, je (traitai) l’armée entière comme un malade qu’il est presque inutile et souvent dangereux d’éclairer sur sa maladie quand elle est très critique. » Reste le plus dur…rendre crédible cette version. Pour y parvenir, Bonaparte et Degenettes ne vont pas ménager leur peine.
A l’hôpital de Jaffa, en mars 1799, le général en chef ne se serait pas contenté du geste quasi-thaumaturgique immortalisé par le tableau de Gros. Il aurait pris dans ses bras un malade couvert d’écume et, aidé d’un infirmier turc, l’aurait déposé sur une couche.
L’anecdote se répand aussitôt dans l’armée d’Egypte. Le médecin en chef, pour sa part, prélève en public un peu de pus d’un bouton, non d’un malade en phase active, mais d’un convalescent, et se l’inocule en deux endroits du corps.
Dans les jours qui suivent, toute occasion est bonne pour lui de se mettre nu et d’aller se baigner « en présence d’une partie de l’armée dans la baie de Césarée ». A dire vrai, si l’épisode se déroule à peu près ainsi, tout l’état-major ne fut pas unanime à saluer l’héroïsme du médecin….Larrey le premier, qui confiait à qui voulait l’entendre, mais sans le crier trop fort… « Il ne s’est pas inoculé la peste. Il en a fait le simulacre en essuyant une lancette imprégnée de pus sur son bras."
La peste, Bonaparte et Desgenettes la retrouvent à nouveau, fin mai…mais, cette fois, le médecin s’oppose au général. « Mon devoir à moi, c’est de conserver », répond-il. Cependant, le propos de Bonaparte est souvent déformé.
Du témoignage même de Desgenettes, il n’a pas ordonné, mais suggéré. « A votre place, lui aurait-on dit, je terminerais les souffrances de vos pestiférés et je ferais cesser les dangers dont-ils nous menacent en leur donnant de l’opium »… ajoutant « qu’il ne conseillait (que) ce qu’en pareil cas il demanderait pour lui-même. » Desgenettes se montre intraitable et le général….s’adresse au pharmacien Royer.
L’entente entre les deux hommes se grippe momentanément, au point qu’un nouvel accrochage a lieu, en juin, lors d’une séance à l’Institut d’Egypte. Bonaparte, à qui exceptionnellement la mémoire faisait un instant défaut, s’emporte jusqu’à dire que la chimie est « la cuisine de la médecine et celle-ci, la science des assassins ».
La voix de Desgenettes s’élève alors…. « Et comment nous définirez-vous celle des conquérants ? » …. Les regards effrayés se portent vers le médecin qui affirme avoir un instant envisagé « de se réfugier dans la reconnaissance de l’armée ».
Mais le calme revint et le médecin en chef continua à partager ses responsabilités avec Larrey. Ensemble, ils quitteront Moscou en flammes, ensemble, ils suivront depuis la même ambulance les dernières charges de Waterloo.
….FIN… Jean François Lemaire...Docteur en Médecine enseigne l'histoire de la médecine à l'Ecole pratique des hautes études (Sorbonne)...La revue Impact Médecin... consacre dans son n° d'Avril 1998... un dossier sur la médecine militaire en Egypte.