J'ai un document récupéré* sur ce personnage, mais il est illisible en transfert, alors je ne dévoue.
Une célébrité localeGaye-MARIOLEPremier Sapeur de FranceLe 18 novembre 1865, le bourg de Campan était en fête. Toutes les autorités politiques de l'arrondissement, toutes les notabilités locales, toutes les personnalités de la vallée se pressaient dans la belle et vaste salle de la Maison Commune où Le Conseil Municipal tient ordinairement ses séances. On inaugurait là le portrait de GAYE-MARIOLE, rude soldat Campinois de l'Empire, nommé "Premier Sapeur de France" part ses propres compagnons d'armes, et dont se plaisait, chez nous, à narrer les exploits légendaires, il y a bien longtemps encore, les longs soirs d'hivers, à la veillée.
Ce portrait avait été donné à la commune de CAMPAN par Achille JUBINAL, député au Corps Législatif pour l'arrondissement de Bagnères de Bigorre et mécène on ne peut plus généreux à qui nous devons la plupart de nos musées et nos bibliothèques bigourdines.
C'est une vaste toile d'environ 3 mètres sur 2, qui constitue le principal ornement de la plus belle salle de la Mairie de Campan et que mentionnent, d'ailleurs, comme une curiosité locale, la plupart des guides touristiques de notre vallée. Le portrait en question fut copié par un peintre nommé SANS, sur la Distribution des Aigles de DAVID.
Dans ce tableau fameux, GAYE-MARIOLE, fait parti du groupe de soldats des divers corps qui vont recevoir, des mains de l'Empereur, les étendards nouveaux à la soie tricolores parsemée d'abeilles d'or et sur la hampe desquels l'Aigle impérial entrouve ses ailes d'épopée en attendant que sonne l'heure du sanglant essor vers les capitales européennes.
GAYE-MARIOLE est représenté en tenue de grognard, telle que l'ont popularisée les dessins de Raffet : hautes guêtres de cuir des sapeurs, habit bleu foncé à basque, soutaché d'or et dont le plastron blanc disparait quasi tout entier sous une longue barbe fluviale brune, épaulette dorées, gigantesque bonnet à poil avec gland d'or, au bord de quoi saigne un monumental plumet rouge, carabine en bandoulière, sabre au côté et hache sue l'épaule.
Tel nous apparait GAYE-MARIOLE qui, le bras droit tendu dans un geste viril, semble indiquer aux drapeaux distribués le chemin de la gloire.
Au cours de la cérémonie inaugurée le 19 novembre 1865, Soucaze, notaire, conseiller municipal de Campan et Jubinal, député, prirent la parole pour magnifier le "Premier Sapeur de France". Nous aidant du discours d'Achille Jubinal, nous allons essayer de faire revivre un instant GAYE-MARIOLE dont les Campinois eux-mêmes semblent aujourd'hui se désintéresser, peut-être parce qu'ils n'en savent que peu de choses.
Quelques notes biographiques d'abord :GAYE-MARIOLE naquit à La Séoube, dans la Haute Vallée de Campan, le 27 décembre 1767.
Aux premiers appels du tocsin révolutionnaire, il s'enrôla comme volontaire, sans même demander le consentement à sa famille. Sa taille très élevée ( 2m10) lui valut d'être nommé tambour-Major dans le 2ème bataillon de Chasseurs de Montagne, au sortir de quoi, il entra dans la demi-brigade l'Aude, puis dans la 4ème Légion. Là, GAYE-MARIOLE aurait avancé rapidement s'il avait eu une instruction même rudimentaire. Mais, hélas! il ne lisait et n'écrivait qu'à grand-peine. D'ailleurs, s'étant rendu compte lui même du préjudice énorme que lui avait causé son ignorance, il disait mélancoliquement encore quelques instants avant de mourir : "ah! si j'avais su seulement lire et écrire proprement, je serais devenu général".
L'Empereur, content du geste et de la réponse de son soldat, lui fit donner une gratification de deux mois de solde.
En 1814, le 20 mars, après la bataille de Toulouse, les anglais marches sur Tarbes, dont ils veulent s'emparer. GAYE-MARIOLE apprend qu'ils ne sont plus qu'à quelques lieues de la ville. Il rallie une vingtaine de compagnons et leur propose de voler au secours des soldats de Soult, obligés de battre en retraite devant les troupes plus nombreuses de Wellington. A la tête de ses amis, auquels se sont joints quelques citoyens patriotes, GAYE-MARIOLE court à la côte de Sarouilles, place son monde en tirailleurs dans les bois et les fossés. Survient un corps anglais, fort d'environ un millier d'hommes.
GAYE-MARIOLE le reçoit à coup de fusil et ne se retire qu'après deux heures d'une défense acharnée, qu'il recommence d'ailleurs au pont de l'Adour, qu'on avait barricadé. "grâce à Dieu, disait quelques jours après GAYE-MARIOLE à un ami qui lui demandait de narrer son dernier fait d'armes, j'en ai bien mon compte descendu une vingtaine."
Certain jour, GAYE-MARIOLE, chasse sur les terres d'un ci-devant revenu depuis peu de l'émigration. Le noble, par son grade, intime au sapeur l'ordre de sortir d'un domaine dans lequel il n'a pas le droit de pénétrer. "Va dire à ton maître, réplique GAYE-MARIOLE au commissionnaire, que je chasse sur ses terres perce que Dieu m'en a donné la force et que Napoléon m'en a donné le droit."
Sur cette réponse, qui rappelle étonnamment celle, fameuse, de Mirabeau au Marquis de Ereze lors de la séance du 23 juin 1789, nous terminons cette brève étude sur GAYE-MARIOLE, fier enfant de notre vallée, qui fut un aussi digne Premier Sapeur de France, que, vingt ans avant, un autre soldat plébéien, Latour Avergne, en avait été le Premier Grenadier.
Etat des services : Empire FrançaisPar ordre du Ministre Secrétaire d'Etat de la Guerre
Le Directeur,
certifie que des registres matricules et documents déposées aux archives de la Guerre a été extrait ce qui suit:
Nom et signalement militaire
GAYE Dominique, fils de Jean MARIOLE et de Marie La Baile-Pardeilha, né le 27 décembre 1767 à Campan ( Haute Pyrénées ), mort le 18 juin 1818.
Détails des services :*Volontaire le 1er février 1792, au 2ème bataillon des Hautes Pyrénées versé par suite d'incorporations successives dans la 4ème demi-brigade de ligne
*Tambour-Major
*Passé le 6 décembre 1800 aux Grenadiers à Pieds de la Garde des Consuls devenue Impériale.
*Sergent de sapeur, le 22 décembre 1801
*Retraité par décret du 28 février 1810
Campagnes :De 1792 à l'An 9, à différentes Armées; 1806 et 1807 Prusse et Pologne. 1808 Espagne.
Blessures :Blessé de deux coups de feu, l'un à la main gauche le 13 septembre à l'affaire de Saint Georges près de Mantoue; l'autre à la cuisse au combat d'Anguiari.
Décorations:Membre de la Légion d'Honneur le 5 février 1804.
Certificat de civisme:4/2 brigade de ligne
1er bataillon
Armée du Rhin
Etat-Major
Nous, officiers sous/officiers et soldats de ladite 1/2 brigade, certifions et attestons que le citoyen Dominique GAYE, Tambour-Major depuis le 7 avril 1792 ( V.S.) a toujours mérité soit par sa bonne conduite, soit par se bravoure le titre de républicain.
Qui le dit n'a cessé par des preuves de courage et de de valeur pendant le temps qu'il a resté au service, qui lui ont attribué des blessures honorables, que nous allons détailler avec les campagnes.
Campagnes :En 1793 (V.S.) à l'Armée des Pyrénées Orientales
L'an 2 et l'an 3 : Idem.
L'an 4 : En Italie où il a reçu une blessure d'un coup de feu à la main gauche, le 29 fructidor à la bataille de Saint-Georges.
L'an 5 : Idem. En Italie où il a eu les deux cuisses traversées par un coup de feu au combat d'Anguiari.
L'an 6 et l'an 7 : à l'Armée d'Angleterre.
L'an 8 : en Hollande et l'Armée du Rhin.
Munich, le 1er brumaire an 9 de la République ( suivent les signatures)
Une lettre de GAYE-MARIOLE ( en VO)Paris le 4 messidor an IIème
Mon cher beau frère
J'ai reçu votre lettre en datte du 8 germinal dans lequel Vous m'avez Envoyé la somme de 100 Livres que j'ai reçu de suitte.
Ce qui m'a Empêché de vous accûsser réception c'est que j'ai fait un voyage à Lion qui a duré un peu Longtemps ce qui m'a occasionné Beaucoup de Dépenses.
Je vous envoye le Billet que Mavez fait, vous me ferez passer cent francs le plutot possible, nous nous arrangerons Plus tard du Reste.
Je souhaite que la Présente vous Trouve en parfaite santé. C'est ce que je Désir du plus profond de Mon Coeur, à mes soeurs ainsi qu'à mon frère et toute la famille.
Je finie en vous Témoignant mes Amitiés.
Je suis pour la vie votre Beau frère.
Dominique GAYE
Ses états de service mentionnent que GAYE-MARIOLE a fait la guerre jusqu'à la fin de l'an III sur les frontières de l'Espagne, qu'il passa ensuite en Italie où il resta jusqu'à la paix de Lunéville. Le 27 fructidor an IV, il fut blessé d'un coup de feu à la main gauche, ce qui lui valut un sabre d'honneur. l'an d'après, le 26 nivôse, un second coup de feu lui traversa les deux cuisses et faillit entraîner une double amputation. Grâce à sa vigoureuse constitution, GAYE-MARIOLE guérit, au grand étonnement, d'ailleurs des chirurgiens qui le soignaient et, en récompense de sa vaillante conduite sur le champ de bataille, reçut de son général une carabine d'honneur. Le 15 frimaire an IX, il fut admis dans le corps d'élite des Grenadiers de la "Garde de Consuls"; puis le 1er nivôse an X, promu au grade de Sergent des Sapeurs. Le 15 pluviose an XIII, Napoléon 1er lui remit de sa propre main la croix de la Légion d'Honneur. "voici pour l'indomptable" lui dit-il en le décorant. Gaye-Mariole fit la campagne de 1806 en Prusse, celle de 1807 en Pologne, celle de 1808 en Espagne, il prit sa retraite en 1810 avec le titre glorieux de "Premier Sapeur de France".
Dès lors notre compatriote vint s'établir à Tarbes, où il mourut le 18 juin 1818 âgé de 51 ans à peine. Il fut enterré dans l'ancien cimetière Saint-Jean, où parait-il, on voyait encore, il y quelque soixante ans, cette touchante inscription tracée sur une croix de bois faite avec une monture de fusil :"ci-git GAYE-MARIOLE, es-Premier Sapeur de France; vous qui passez, priez pour lui".
Quelques anecdotes:Un jour, GAYE-Mariole est de garde à l'entrée du Palais Saint- Cloud. Passe de peintre David qui va rendre visite au Premier Consul. A la vue de ce soldat à la taille gigantesque et à la longue barbe de 32 pouces, l'artiste s'arrête.
-D'où es-tu ? demande t-il à GAYE-MARIOLE
-Des Hautes Pyrénées, répond celui-ci
-C'est juste.Tu es grand comme tes montagnes.Veux-tu venir poser dans mon atelier ?
-Je ne demande pas mieux
-Eh bien, je t'attends demain.
Dès lors, notre grenadier fut un assidu de l'atelier du peintre. Celui-ci le prit en affection et le plaça dans plusieurs de ses tableaux, notamment dans la " Distribution des Aigles", sur quoi le portrait de Campan fut copié, et dans "l'entrevue des Empereurs à Erfurt" où GAYE-MARIOLE avec d'autres magnifiques grognards, monte la garde à l'entrée du palais où sont réunis les souverains.
Ajoutons que GAYE-MARIOLE figure également sur l'arc de triomphe du Carrousel à Paris. Il servit de modèle pour le sapeur en marbre qui est resté longtemps au Louvres et qui, parait-il est à Versailles.
Lors de la fameuse signature du Traité de Tilsitt, sur un radeau au milieu du Niemen, GAYE-MARIOLE fit, à ce qu'on rapporte, un trait de force extraordinaire. Il y avait à quelques pas de lui un canon de 4. Voyant arriver son Empereur, il mit précipitamment la carabine à terre, prit la pièce entre ses mains et la dressant contre sa poitrine, s'en servit à la force du poignet pour présenter les armes au Dieu de la guerre qui allait passer.
-Ah! je sais ton nom, dit-il à Mariole, en lui tirant familièrement l'oreille. tu t'appelles l'indomptable.
-Oui, Sire
-Que vas-tu faire pour saluer "l'autre" toute à l'heure!
-Sire, je vais reprendre ma carabine. C'est assez bon pour lui.
*Fascicule de la Mairie de Campan