C'est dans la nuit du 6 au 7 Février qu'ont débuté les premiers combats de la terrible bataille d'EYLAU ...
Cette nuit-là, en effet, des fourriers de l'Empereur, venant de Landsberg étaient arrivés à l'entrée d'Eylau, surpris d'apercevoir les avant-postes russes qu'ils imaginaient bien plus loin ...
Il neigeait abondamment ... Dès l'aube, l'avant-garde de Soult intervint la première, suivie par la Garde ...
Des combats furieux se déroulèrent à l'intérieur de la ville, et le cimetière qui, à plusieurs reprises, changea de mains ...
Dans les rues, canons et caissons roulaient sur les hommes tombés...
Dans la soirée du 7 Février, Napoléon fit son entrée, et s'installa à la maison de poste, quasiment vide pour avoir été pillée par les Russes.
En entendant encore tonner l'artillerie russe, il voulut se rendre sur place afin de voir ce qu'il se passait, mais les Officiers de son état-major l'en dissuadèrent, lui recommandant un peu de repos ...
L'Empereur s'assoupit alors sur une chaise et s'y endormit, jusqu'à l'aube du lendemain, 8 Février, où un Officer le réveilla peu avant 6 heures :
"-Sire, les Russes attaquent !"
Et en effet, dans la nuit noire, les combats avaient repris
Du côté russe, c'était environ 80.000 hommes, dont 8.000 Prussiens ; Napoléon, Lui, n'avait que 54.000 hommes, fatigués à l'extrême et affamés ...
Le Corps de Ney se trouvait sur la route de Koniegsberg, au nord d'Eylau, et la Garde avait pris place, dès le lever du jour, dans le cimetière destiné à devenir illustre...
Le Capitaine Parquin nous replonge dans l'atmosphère de ce moment tragique :
-"Ce qui était très pénible, c'était une neige épaisse poussée par un vent du nord sur nos visages, de manière à nous aveugler ... Les forêts de sapins qui abondent dans ce pays, et qui bordaient le champ de bataille, le rendaient encore plus triste. Ajoutez à cela un ciel brumeux, dont les nuages paraissaient ne pas s'élever au-dessus des arbres : ils jetaient sur toute cette scène une teinte lugubre, et nous rappelaient involontairement que nous étions à trois cents lieues du beau ciel de France..."
Les canons français et les canons russes se répondaient, et, à chaque coup, de part et d'autre, des hommes tombaient ...
Plus loin, dans le cimetière, la Garde est l'arme au bras ...
Parfois, lorsqu'un boulet sifflait, il arrivait qu'instinctivement deux ou trois Grenadiers courbaient la tête, aussitôt réprimandés par les Officiers ...
Hé oui, la Garde était rarement engagée, mais lorsque c'était le cas, elle devait savoir mourir, impassible ...
L'Empereur de son côté attendait que Davout puisse attaquer, en se portant sur le flanc gauche des Russes :
"-Il faut empêcher l'ennemi d'attaquer le Corps de Davout, ordonna-t-il ...
Si ma manoeuvre réussit, la gauche russe devra se replier sur le centre" ...
A cet instant la bourrasque de neige devint encore plus épaisse ... On ne voyait pas à deux pas !
Les colonnes françaises donnaient l'impression de "flotter" ; les Russes quant à eux, ayant le vent dans le dos, semblaient avantagés , car moins aveuglés que les Français ...
De la hauteur du cimetière où il se tenait, Napoléon s'aperçut que la situation n'était guère brillante pour nous...
C'est à ce moment qu'on amena Augereau, blessé d'un coup de biscaïen ; il se plaignait de ce que sa troupe n'avait pas été secourue, mais que faire dans cette tourmente où l'on n'y voyait rien ?
"-Faites donner les Chasseurs à cheval et les Dragons de la Garde, dit Napoléon. Et appelez-moi Murat !
Murat arriva, couvert de neige, et ce fut la phrase célèbre :
-"nous laisseras-tu dévorer par ces gens-là ?"
C'est alors que le cavalier s'éloignera, pour prendre la tête de 80 escadrons, des Chasseurs, des Dragons et des Cuirassiers ...
Bien souvent on a pu lire que l'attaque russe avait littéralement clouée au sol ; mais c'est établir un résumé trop rapide.
Il est vrai que les cavaliers français ont refoulé la cavalerie russe et entamé l'infanterie qui suivait ; mais ce fut une mêlée affreuse, où l'on s'étripa à coups de sabre et de baïonnette, sous le canon et la mitraille.
Sur le sol blanc de neige, les cadavres d'hommes et de chevaux s'amoncelaient ...
Soudain, une réserve d'artillerie russe, masquée à l'orée d'un bois, se mit à tirer dans le tas, indistinctement ...
Le massacre fut sans nom, et c'est lors de cette attaque que tomba le grand Général d'Hautpoul, que Napoléon avait embrassé la veille ...
Comme l'infanterie russe continuait sa marche vers le centre, Napoléon décida de faire donner la Garde à pied ...
La bataille faisait rage ; pourtant de petits groupes d'affamés maraudaient dans Eylau ...
Pendant ce temps, Davout déboucha enfin derrière l'ennemi, mais vers 15 heures, quelques huit mille Prussiens surgirent ...
Napoléon n'avait plus en réserve que six bataillons de la Garde à pied ...
Les Prussiens attaquèrent ...
Davout, du haut de son cheval, harangua ses hommes :
"-Les lâches iront mourir en Sibérie, les braves mourront ici en gens d'honneur !" ...
Les espoirs s'amenuisaient, mais alors que le jour commençait à baisser, voilà que Ney arriva enfin sur la droite de l'ennemi...
Apprenant cela, Benningsen commença à songer à la retraite ...
Avant la fin de la bataille entre les deux redoutables armées confrontées, se distinguaient sur la plaine immense recouverte de neige, les Corps combattants, l'infanterie alignée, la cavalerie toujours prête à donner ...
Spectacle curieux et déchirant que ces mouvements de troupes, aux armes éclatantes, au milieu du feu de l'artillerie et des hommes marchant parmi d'innombrables cadavres ...
Le sang avait coulé en abondance ; partout se trouvait des cadavres et des chevaux morts.
Ici et là, des pillards continuaient à marauder sous le canon, risquant leur vie pour quelques pommes de terre ...
Napoléon lui aussi était rentré dans Eylau.
Le Général Billon se trouvait debout près d'un banc de pierre, quand Il passa près de lui, faisant tous les efforts pour éviter que son cheval ne foulât du pied tant de restes humains ...
L'Empereur pleurait, avait affirmé ce Général ...
Il se rendait ainsi à Ziegelhof, petit village situé à une demi-lieue d'Eylau, et là, dans une petite ferme, il se coucha , tout habillé et botté, sur un matelas, au coin du poële ...
Cette terrible journée du 8 Février devait également rester gravée dans la mémoire du Baron PERCY, à qui ordre avait été donné de se rendre à Eylau, dès la pointe du jour ...
Mais nous n'y sommes pas encore tout-à-fait, et je vous donne donc rendez-vous demain, pour le poignant récit de ce Chirurgien renommé des Armées napoléoniennes ...