Il m'est arrivé de rencontrer des personnes se posant encore et toujours la question de savoir si l'Empire, tel qu'il fut conçu et instauré par Napoléon Bonaparte, découla d'un hasard providenteil, voire d'un caprice, ou fut-il au contraire la résultante d'une volonté d'organisation politique et sociale, bien structurée et mûrement réfléchie ?
Le Consulat à vie n'était-il pas suffisant pour satisfaire aux besoins d'une Nation avide de règlementation administrative, de paix religieuse, de restauration sociale ? N'était-ce pas suffisant pour la rassurer du désordre et du tumulte antérieurement vécus ?
Etait-il opportun de venir y rajouter une couronne, un trône, une Cour ?
En résumé, Bonaparte pouvait-il poursuivre son oeuvre sans devenir un jour l'Empereur de tous les Français ?
Vu de loin, d'aucuns seraient tentés de le croire, pensant que, finalement, la dignité impériale n'augmenterait pas le pouvoir du Premier Consul.
Car enfin, n'avait-il pas déjà acquis un système qui Lui permettait, à Lui de gouverner et à la France de "vivre" ?
Personnellement, je dirai NON.
Cette France avait trop longtemps vécu dans l'inquiétude et la peur du lendemain, dans une agitation quasi perpétuelle, toujours hantée par l'idée que si tous les mécontents de l'Armée se ralliaientà ceux extérieurs à l'Armée, si l'opposition militaire s'accordait avec la Chouannerie, hé bien le Consulat sauterait ... avec son Premier Consul ...
Partant, s'ensuivrait ce facteur inconnu de savoir qui régnerait alors en Maître ?
Les Bourbons ? La dictature militaire ? Fouché ? Cadoudal ? Les Régicides ?
Tous ces Partis, coalisés pour un temps, s'entredéchireraient lors de leur victoire, et la guerre ne serait plus alors qu'une lutte sans merci pour la vie, une lutte sans gloire, sans bravoure, sans honneur ...
Car quiconque aurait été ruiné, proscrit ou persécuté n'aurait plus qu'une idée, se venger, et cela concernait alors les deux tiers du Peuple français !
Ma réflexion est donc que, de toute évidence, il fallait impérativement que le Consulat devienne "perpétuel".
Il fallait assurer à la France, non seulement "aujourd'hui" mais encore "demain", et surtout "toujours".
Il fallait que Napoléon puisse poursuivre son oeuvre si bien commencée, et pour cela, Il devait être institué et désigné.
Pour établir cette perpétuation, en même temps que pour prévenir conspirations et attentats, et calmer tous ceux qui, jaloux de la supériorité du Consul, menaçaient de s'insurger à chaque instant, il fallait que le Chef d'alors accède à une dignité rendue inaccessible, par le fait même qu'elle écarterait toutes "compétitions" au sujet du Consulat ...
L'ambition de Napoléon n'y fut certes pas étrangère, mais pour l'obtention du trône, il fallut plus encore, et ce plus se trouva dans une succession d'évènements dépassant l'entendement sur le plan strictement humain...
Ce petit Corse, alors sans nom, sans appuis autre que celui de pouvoir devenir boursier,et sans biens, débarqué en france pour intégrer ce Collège de Brienne-le Château, parvint, en seulement vingt années, à gravir les échelons de la Victoire pour monter et doter la France de sa gloire, et le monde de sa renommée.
Pour Lui, Napoléon devenu Empereur des Français, les désastres mêmes revêtaient l'uniforme du succès...
Face à sa Destinée, Il ne demeura pas sceptique : il savait qu'Il était désigné... promis.
Et la consécration de son Pouvoir, ce n'est pas à un prêtre qu'il la demanda, mais auprès du Pontife suprême.
C'est ainsi qu'enfin élevé au-dessus de toute compétition, défendu contre toute rivalité par le suffrage du Peuple, Napoléon se verra légitimé par le consentement de Dieu lui-même.
Nul catholique ne pourra donc pas venir lui reprocher l'usurpation d'un trône, reconnu et transmis par le représentant de Dieu.
Sous de tels auspices, il s'unira étroitement à la Nation qui lui avait donné son suffrage unanime, et cette union forte résistera avec succès à toute révolte militaire ou dissension civile, prenant dans la sécurité du présent, la possession rassurante de l'avenir ...
Ce fût un projet colossal, mais le dessein en était opportun, et la réalisation nécessaire ...
Dès lors, tout ce qui se trouvait devant Lui, tout ce qu'il pouvait prendre en tendant la main, ne pouvait être que la Couronne, celle de la France et celle du Monde...