Forum des Amis du Patrimoine Napoléonien Association historique Premier et Second Empire (ouvert à tous les passionnés d'histoire napoléonienne) |
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| Les conscrits de 1814 ... | |
| | Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Les conscrits de 1814 ... Jeu 17 Jan - 22:54 | |
| Nous sommes au tout début du mois de Janvier 1814... Acette époque, les conscrits enrôlés seront tous ceux qui n'ont pas osé suivre les réfractaires. Ils sont encore vêtus comme sortant de chez eux, une blouse de paysan, une veste d'ouvrier ou d'artisan, et un chapeau rond ... Puis, il leur faudra trouver quelques défroques militaires, plus ou moins bien taillés pour les uns et les autres, et tout se fera dans la précipitation, car il faut aller vite maintenant... Enfin munis de bonnets de police, de buffleteries, de gibernes et de sabres, on leur distribue des cartouches et des fusils, dont ils ignorent encore le maniement ... Ainsi, ils s'éloignent sur la route glacée, encore ahuris de tout ce qui leur arrive, en direction du front ennemi ... Heureusement, ils seront bien encadrés, par ces "vieux de la vieille", survivants de survivants après les terribles Campagnes de Saxe et de Russie, ceux-là mêmes qui sont encore là grâce à une bonne constitution physique, la sélection naturelle ayant fait son oeuvre ... Alors, désormais, ils pouvaient tout affronter, ils résisteraient à tout, et plus rien ne pourrait leur faire peur ... Ce sont eux qui apprirent aux jeunes Conscrits à se débrouiller pour tout. En ce début d'année 1814, ces jeunes Conscrits étaient plus nombreux que l'année précédente, car Napoléon en avait encore rappellé d'Espagne. Mêlés à ces Marie-Louise et aux vétérans de la Grande Armée, se trouvaient aussi beaucoup de volontaires, ainsi que des mutilés, inconditionnels de l'Empereur qui auraient remué ciel et terre pour "partir" ... C'est ainsi que le brave Bouvier-Destouches, ancien Leutenant des Grenadiers à cheval, arborant la Légion d'Honneur, réussira à tenir son sabre malgré ses dix doigts gelés en Russie, et tombera couvert de blessures ... à Craonne. C'est avec ces troupes hétérogènes que Napoléon va entreprendre d'endiguer l'invasion ennemie. Il est conscient qu'il doit agir plus vite encore qu'en 1813, pour affronter les trois armées ennemies qui sont en marche vers Paris. La Campagne de France est reconnue par beaucoup , comme le "chef-d'oeuvre" de Napoléon. Il est vrai que neuf victoires en quarante-cinq jours, c'est un record battu, même pour la Campagne d'Italie ... Et lorsque l'on fait le grand pélerinage, à travers les immenses plaines champenoises, ici et là l'hommage à ces jeunes "Marie-Louise" résonne encore et toujours, dans l'émouvante atmosphère des lieux ... |
| | | Percy Modérateur
Nombre de messages : 2471 Age : 66 Localisation : Bruxelles Date d'inscription : 01/04/2007
| Sujet: Re: Les conscrits de 1814 ... Ven 18 Jan - 0:28 | |
| Tout ne fut pourtant pas idyllique, loin s'en faut ! Jugez plutôt :
Les grenadiers tirèrent. Une décharge abattit les Russes qui, au galop, chargeaient le carré. Mais les enfants ne bougèrent pas; la plupart étaient ceux qui avaient défilé neuf jours auparavant, rue de Rivoli. "Quoi ! Qu'y a-t-il ? bondit l'Empereur; tirez donc, mais tirez donc !" Aucun ne bougea. Les anciens dont on voyait pointer les lourdes moustaches tirèrent une seconde fois. Alors, d'entre les blessés qui tombaient, du fond des fumées que le vent poussait en rouleaux jusqu'au cheval de Napoléon, mille têtes se dressèrent, et le régiment regarda l'Empereur en silence. Lui frissonna... et en face de ces hommes qui, armés de fusils, ne se défendaient plus, il hurla : "Lâches ! Tirez donc ! Vous allez être culbutés; tirez ! tirez ! Messieurs les chefs de bataillon !..." Courbé sur sa selle, il empoigna un soldat : "Epaule ! Vois ce tas de blessés... Comment t'appelles-tu ?" Sans attendre, Napoléon leva le poing. Une décharge de boulets troua le régiment et deux sections s'abattirent. "Feu ! Feu ! Feu !..." cria encore l'Empereur. Autre silence. Blême et fou, pantelant sous le talon d'une épouvante mystique, Napoléon retrouva son cri d'Iéna : "Soldats ! Vainqueurs du monde..." Le régiment le regarda encore... Ce fut le coup d'oeil affolé du limonier sous le brancard, du mouton sous le couteau. Il prit le fusil d'entre les mains de l'enfant et répéta : "Comment t'appelles-tu ? - Léopold de Manneville, Sire. - Eh bien, tu seras la honte des femmes ! Aux fuseaux !..." hurla l'Empereur. Droit sur sa bête, il épaula un Russe, mais le coup ne partit pas. Il lança le fusil avec colère : "A un autre ! Le tien !" Un soldat leva le bras. L'Empereur prit l'arme, inspecta la gâchette. Une fureur lui cassait les flancs; il jeta encore le fusil. "Un autre ! Un autre !" On lui en tendit plusieurs. Dans le tumulte et le désordre, il les regarda et rugit : "Pourquoi ces armes ne sont-elles pas ?..." A ce moment, quelqu'un tomba entre les pattes de son cheval et eut le temps de souffler : "Je tirerais bien, mais je ne sais pas..." D'autres voix crièrent : "Nous n'avons fait que marcher depuis neuf jours ! - On ne nous a pas fait de théorie !" Et d'autres voix gémirent, sans doute des agonisants : "Nous ne savons pas nous défendre. - Nous ne savons pas charger nos fusils..." Aussitôt, sous le coup de l'horreur, la face de César se transforma, ses traits égaux se modifièrent et ses yeux parurent mourir !... Cette épouvantable réponse l'avait scellé au milieu du carré sur les quatre sabots de son cheval, et dans le rauquement des mitrailles, transfiguré par quelque atroce vision, il voulut rester ainsi en plein champ de mort, seul contre les Russes ! Il était la cible du combat, fantomatique, le sang aux jambes et sa tête de terre aux lignes de médaille paraissait dominer encore la trajectoire des bombes. Il fût demeuré là jusqu'à la fin. Heureusement, pour sauver les Marie-Louise, Bordesoulle et ses "potirons" venaient au galop dans un torrent de cuirasses. Alors, la vie lui revint au corps; il sembla se réveiller, ordonna la charge, culbuta les Russes, prit leurs faubourgs, entra dans Vesles aussitôt - et le soir, lorsque les "ruines" du régiment de recrues, dont trois cents étaient morts, défilèrent, soulagés, il eut un soupir, appela trente gamins, trente de ces Marie-Louise au hasard, et les décora.
(D'Esparbès, La Légende de l'Aigle) | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les conscrits de 1814 ... Ven 18 Jan - 8:31 | |
| Ce passage d'Esparbès est purement légendaire, il me semble... C'est Marmont qui a conté une anecdote semblable, avec moins d'emphase.
L'affaire a pu se produire... Mais, d'une: les sous-off de l'Empire n'étaient pas assez crétins pour ne pas expliquer la charge en 12 temps. De deux, il y avait toujours quelques anciens pour initier les bleus au bivouac.
D'ailleurs, je doute que la cavalerie russe ait chargé l'Empereur à "Vesles"... qui est le nom d'une rivière, et non d'un quelconque village ! |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les conscrits de 1814 ... Ven 18 Jan - 17:45 | |
| Je suis tout-à-fait sceptique également à la lecture de ce passage, somme toute bien théâtral, pour une scène de champ de bataille ... Quoiqu'il en soit, s'il est une certitude c'est effectivement que les Vieilles Moustaches se trouvaient bien présents pour encadrer les jeunes Conscrits et leur donner l'enseignement rudimentaire qui leur manquait, la plupart des recrues n'ayant pas achevé leur instruction au moment des évènements. Il y eût même des Officiers, et aussi certains Maréchaux, tel Marmont, pour leur expliquer, à plusieurs reprises, le maniement du fusil, peu de temps avant le déroulement des opérations ... PS : La Vesle est un affluent de l'Aisne, qui coule en Champagne et arrose.... Reims. |
| | | Hébus
Nombre de messages : 17 Age : 58 Date d'inscription : 03/01/2008
| Sujet: Re: Les conscrits de 1814 ... Ven 18 Jan - 18:50 | |
| Une chose reste sûr, c'est que cette campagne est de loin la plus difficile que Napoléon ait conduite. Malgré une infériorité numérique et qualitative ahurissante, il a réussi des manoeuvres incroyables et remporté des victoires impensables. On peut sans conteste, dire que ce que l'empereur a fait en 1814 aucun autre stratège depuis la nuit des temps n'a pu le faire. Réussir avec de si maigres effectifs a séparer des forces colossales pour les battre séparément. Avoir tenté des manoeuvres si audacieuses face à des généraux qui le combattaient depuis longtemps, et qui savaient de quoi il était capable. Comme durant la première campagne d'Italie, le génie militaire de Napoléon s'est transandé dans l'adversité, et là je le pense, que seuls le manque de foi et de détermination de certains de ses subordonnés ne lui ont pas permis d'achever victorieusement cette campagne... Avec un Davout comme lieutenant, la fin n'eu certainement pas été la même. | |
| | | Percy Modérateur
Nombre de messages : 2471 Age : 66 Localisation : Bruxelles Date d'inscription : 01/04/2007
| Sujet: Re: Les conscrits de 1814 ... Ven 18 Jan - 22:59 | |
| Le récit de D'Esparbès pêche sans doute par sa théâtralisation excessive des événements, mais il n'en demeure pas moins qu'il met en lumière la relative impréparation des Marie-Louise, même si on peut estimer à juste titre que les anciens leur enseignèrent les rudiments de la charge en 12 temps au bivouac ou ailleurs. Il n'empêche que, plongés au coeur des combats avec un bagage militaire rudimentaire, certains durent vivre des moments pénibles que l'auteur de ce texte évoque dans son style très particulier. Cela ne rend que plus remarquables encore les exploits réalisés par ces troupes inexpérimentées face à un adversaire rôdé et supérieur en nombre... | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les conscrits de 1814 ... Ven 18 Jan - 23:23 | |
| mais il n'en demeure pas moins qu'il met en lumière la relative impréparation des Marie-Louise ... (Percy) ... Ce constat n'est pas nouveau, et semble même couler de source, dès lors que ces jeunes d'à peine dix-huit ans n'avaient encore jamais tenu un fusil ... Toutefois, il est remarquable de constater qu'en quelques semaines d'entraînement dispensés par les "Anciens", les conscrits de 1814 se comporteront au feu avec un courage et une abnégation dignes de leurs aînés ... Si vous avez déjà pris le temps d'aller vous imprégner de cette atmosphère émouvante , qui règne encore sur les lieux où tous ces jeunes firent preuve d'une extraordinaire bravoure, vous vous apercevrez rapidement que , là-bas, n'importe quel paysan, sait ce que veut dire l'expression "les marie-louise" : ils ont à tout jamais marqué leur passage, sous le charisme de l'Empereur et le sentiment, dont Il a su les convaincre, qu'il s'agissait désormais de la survie de leur Patrie.
Dernière édition par le Ven 18 Jan - 23:44, édité 1 fois |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Les conscrits de 1814 ... Ven 18 Jan - 23:39 | |
| - Percy a écrit:
- Le récit de D'Esparbès pêche sans doute par sa théâtralisation excessive des événements, mais il n'en demeure pas moins qu'il met en lumière la relative impréparation des Marie-Louise, même si on peut estimer à juste titre que les anciens leur enseignèrent les rudiments de la charge en 12 temps au bivouac ou ailleurs.
Il n'empêche que, plongés au coeur des combats avec un bagage militaire rudimentaire, certains durent vivre des moments pénibles que l'auteur de ce texte évoque dans son style très particulier. Cela ne rend que plus remarquables encore les exploits réalisés par ces troupes inexpérimentées face à un adversaire rôdé et supérieur en nombre... Nous sommes parfaitement d'accord, cher Joker. - Joséphine a écrit:
- Si vous avez déjà pris le temps d'aller vous imprégner de cette atmosphère émouvante , qui règne encore sur les lieux où tous ces jeunes firent preuve d'une extraordinaire bravoure,n'importe quel paysan, là-bas, sait ce que veut dire l'expression "les marie-louise" : ils ont à tout jamais marqué leur passage, sous le charisme de l'Empereur et le sentiment, dont Il a su les convaincre, qu'il s'agissait désormais de la survie de leur Patrie.
C'est tellement vrai, chère Joséphine. Une page de gloire inoubliable ! Mieux secondé, nul doute que Napoléon ait vaincu. J'ajouterai: plus lucide aussi, en nommant un chef capable de mettre Paris à l'abri des cosaques... Peut-être aurait-il dû déléguer ses pouvoirs à Moncey pour en faire un véritable gouverneur de Paris. |
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