La Croisade italienne
Napoléon quitte l’ile d’Elbe et débarque à Golfe Juan le 1er mars 1815. Murat l’apprend le 5 et quand le 7 mars d’Ambrosio arrive de Vienne, il l’informe de son idée de vengeance. Talleyrand qui avait fait courir le bruit d’un débarquement de Napoléon à Naples en était pour ses frais, par contre Lord Wellington dit : « La réputation militaire du roi de Naples est trop belle pour la compromettre pour celle de Napoléon dejà perdue. » Les membres de la famille Bonaparte écrivent à Murat : « Tout dépend de vous, vos talents et votre bravoure nous garantissent de la réussite de l’entreprise : occupez les Autrichiens en Italie. » Il répond positivement, Lucien montre la lettre au Pape aussitôt celui-ci avertit les cours européennes. Campo-chiaro, son ambassadeur, est mal à l’aise à Vienne, d’autant que Murat dès le 14 mars s’est porté à Ancône avec tout son état major et ses ministres. Cette fois il ne laisse pas la régence à la Reine. Il retire les Finances à Agar, taxe les commerçants de Naples, met Manhès comme gouverneur de sa capitale et Maghella, le nationaliste, à la Police.
Millet de Villeneuve , chef d’état major de l’Armée, exécute les ordres précis. Les divisions sont mises sur pied de guerre, les divisions de Carascosa et celle de d’Ambrosio vont rejoindre Lechi dans les Marches. La Garde commandée par Pignateli-Strongoli pour l’infanterie et Livron pour la cavalerie se dirige vers le Nord en passant par Rome . En ayant scindé son armée en deux et qui marche de part et d’autre des Apennins, Murat l’affaiblit mais il évite d’être pris à revers et il protège Naples. Mais que veut faire Murat avec 33 390 fantassins, 4 980 cavaliers et 56 canons contre l’Empire d’Autriche Hongrie et les Alliés ? Il pense pouvoir lever 150 000 hommes en Italie et qu’une armée française va venir par le Rhone…
Or les Napolitains sont comme les Vendéens de 1793, braves et courageux au combat mais facilement rebutés par une absence trop longue loin de chez eux, et soucieux de leur bien –être. De plus ils manquent de cette cohésion acquise par les autres armées pendantces guerres à répétition depuis la Révolution française. Les Autrichiens ne sont pas une puissance négligeable, leurs régiments , entrainés, soudés, se replient sur ordre mais pas par crainte.
Le 18 mars , il jette le masque, Murat déclare la guerre aux Autrichiens. A ce stade, la position est en sa faveur dans la péninsule italienne mais il perd un temps précieux. Le 27 mars il fait avancer ses troupes vers le Nord, le lendemain Jérome Bonaparte vient à sa rencontre, dans la discussion Jérome lui demande si un traité existe avec les Anglais, et il lui dit fermement qu’il ne craint personne puisque l’Empereur est à Paris et que les patriotes italiens fourniront les troupes dont il a besoin. Le 30 mars , Murat lance la célèbre proclamation de Rimini : « Italiens, L’heure est arrivée où de grandes destinées doivent s’accomplir. La Providence vous appelle enfin à la liberté ; un cri se fait entendre depuis les Alpes jusqu’au détroit de Scylla et ce cri est l’Indépendance de l’Italie. » Puis suit une exhortation à résister et à venir rejoindre le Roi et les Napolitains ainsi que l’idée d’une Constitution pour un pays uni autour de sa personne. Encore un point qui déplait à Napoléon , car il considère l’Italie comme sienne et que Murat doit agir pour la lui offrir ; toujours cette idée du lieutenant agissant en son nom.
Le commandant en chef autrichien a déjà commencé à réagir et le général Bianchi organise ses troupes . Les Italiens sont assez refroidis par l’idée d’une contre offensive autrichienne ; la proclamation n’a pas l’impact espéré.
Pire, au fur et à mesure que Murat rentre dans les villes , Bologne, Plaisance puis Modène ,le 4 avril, l’accueil devient moins enthousiaste et les désertions augmentent. Les généraux font leur devoir , sans plus, Millet n’est pas Belliard…Murat est seul, il en est conscient mais ne peut plus reculer sans compromettre ses sujets et son trone.
Le 2 avril, sur ordre de Murat la cavalerie de Livron, celle de la Garde, est appelée à Bologne mais ne se met en route que le 11.
La Garde devant servir de réserve, Murat ne connaissant pas bien les mouvements des Autrichiens, l’affaire se complique. Dans son étude, très complète, le commandant H. Weil montre avec lucidité la situation. Neipperg marche sur Bologne et Bianchi sur Florence. Niepperg surprend l’arrière garde de la division Lechi, Murat demande un Armistice, évidement il est refusé.
Cette campagne est une suite d’escarmouches qui est en l’honneur des Napolitains, mais la réalité s’impose. Les Autrichiens sont persuadés que Napoléon va intervenir, ils veulent une bataille d’importance pour en finir, Napoléon veut obtenir la paix. Murat est pris au milieu de ce double enjeu. Ce sera Macerata et Tolentino. Après avoir fait leur jonction par la route de Tolentino les troupes autrichiennes de Niepperg et de Bianchi occupent Tolentino et Jesi, Murat fait prendre Macerata par la Garde. Le 2 mai, la bataille s’engage et tourne à l’avantage des Napolitains, Murat se bat en personne à la tête du 3éme léger. Malheureusement le général d’Ambrosio est blessé et remplacé par d’Aquino. Dans la nuit du 2 au 3 les Autrichiens se regroupent, ils sont maintenant 13 000 hommes. L’offensive reprend la Garde qui forme le centre du dispositif avec l’artillerie prend Cassone mais les généraux Lechi et d’Aquino trainent les pieds à executer les ordres, ce dernier ne débouche que vers midi sur les flancs des Autrichiens alors qu’il devait prendre à revers Tolentino par le village de Monte Milone, Lechi ne fait pas mieux sur le Chienti. Murat est obligé d’aller reformer les troupes de d’Aquino qui se débandent, l’ennemi reprend Cassone . La chaleur accablante, les marches et contre-marches, l’abscence de provisions , ont eu raison des Napolitains ; Murat en prend conscience et ordonne le repli sur Macerata. C’est alors que l’incroyable se passe, la panique s’empare de l’armée napolitaine. Murat est abattu par l’état de son armée, les généraux ne sont pas à la hauteur, d’Aquino pleure, Pignattelli déjà absent et Lechi hors de lui. Le lendemain, 4 mai, la situation empire, c’est la panique générale et d’Aquino demande l’abdication du Roi . Après s’être replié sur Civita –Nova, puis par le col de Popoli avoir atteint Castel di Sangro, Murat voit arriver une calèche : Belliard, l’ami de toujours, envoyé par Napoléon. « Belliard, mon brave Belliard, tu viens donc mourir avec moi ? » , paroles pathétiques du « Achille français » . Dans les jours qui suivent Murat part pour Caserte, ses soldats se dispersent, peu de régiments lui restent fidèles ; ils sont usés et déçus par leurs généraux.
Entre Macerata et Tolentino
Ce fut la fin du roi Joachim
Entre Chienti et Potenza
L’Indépendance prit fin
Cette petite chanson reflète l’état d’esprit des Napolitains après cette campagne.
Murat rentre à Naples le 18 mai au soir, comme d’habitude il est salué par ses sujets , point de quolibets ni de reproches , au contraire une sympathie affligée car les nouvelles vont vites et son trone est perdu . Metternich avait vu juste, le Congrès de Vienne a prononcé sa destitution. Napoléon n’était pas au rendez vous…
Les généraux Carascossa et Coletta sont chargés de signer l’armistice, convention de Casalanza, avec pour seule directive de Murat : « Tout sacrifier, hormis l’honneur de l’Armée et le repos de la Nation. La Fortune m’a trahi. Je veux qu’elle n’accable que moi. ». Dans cette triste affaire jamais Murat n’a montré autant de grandeur d’ame aux dires de ses contemporains.
Comme nous l’avions déjà écrit, Tolentino est plus qu’une défaite militaire, elle reste une défaite politique pour l’Italie.