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....Coups et Blessures d'un Soldat de l'Empire....(Sources B.de Castelbajac)...(Documents fournis par la comtesse d'Orglandes.)
le 29 janvier 1848, M. Rogers, dentiste à Paris, répond à un client de province s'enquérant sur le prix des dents artificielles...a-t-il des gencives "molles et tendres"....? Ou bien saine...?...Son client, Philippe Higonet, maréchal de camp et baron d'Empire, est un rescapé de toutes les grandes batailles napoléoniennes. les cicatrices s'entrecroisent sur son corps, mais lui donnent moins de soucis que sa mâchoire...pourra-t-il mastiquer avec des gencives molles et tendres ?
Au mois d'avril 1804, Higonet, vingt-deux ans, est soldat volontaire au 4è régiment d'infanterie légère. Il livre son premier combat à Marienzell, en Autriche. L'épée sur la gorge du colonel du régiment de Collerado, il le force à se rendre, ainsi que deux cents de ses hommes.
Higonet n'a pas une égratignure. Heureusement ! A cette date, un régiment ne dispose que d'un seul fourgon sanitaire contenant deux matelas, six brancards, 50 kg de charpie et 100 kg de linge à pansements.
Austerlitz ! les français écrasent 105 000 Russes et Autrichiens. Une balle traverse la cuisse droite de Higonet. le blessé échappe au scalpel du fameux chirurgien Larrey, affecté à la Garde, qui avoue lui-même qu'il "coupe les membres toutes les fois qu'il y a fracture grave".
Higonet conserve sa jambe grâce à une médecine spéciale...une pièce de cinq francs à l'entrée de la balle, une autre à la sortie, un peu de charpie, et le tout est bien enveloppé. Si la gangrène se déclare, un bain de guimauve y remédiera. La gangrène gagne du terrain ? On applique de l'eau-de-vie camphrée, presque bouillante, sur tout le membre, à l'exception de la plaie, recouverte d'un tampon de charpie imbibé de "digestif animé". Cet onguent se compose de térébenthine, de jaune d'oeuf, d'huile d'olive et d'une résine d'origine exotique du nom de styrax.
Higonet guérit, mais 12 000 blessés croupissent à Brünn dans la paille, la vermine et les immondices. le typhus éclate et emporte plus du quart d'entre eux.
Moins d'un an plus tard, Higonet, promu lieutenant de grenadiers, s'élance suivi de ses hommes disposés en tirailleurs sur le plateau d'Iéna, arrive l'un des premiers, disperse 1200 hommes de la garde royale de Prusse, s'empare de trois canons et entre dans le village de Popell.
Le corps sanitaire n'a pratiquement pas de matériel. il a été acheminé sur des charrettes Bavaroises et la pluie a rouillé les instruments de chirurgie, détrempé la charpie. les troupes ont murmuré au passage d'un chariot d'où dépassent béquilles et jambes de bois. Des scies sont réquisitionnées chez un quincailler, du linge à pansement est dérobé dans les maisons abandonnées.
Le même jour, Davout culbute les 70 000 soldats de Brunswick. Complètement débordé, épuisé, le service sanitaire laisse sur le terrain à Iéna.... 3000 blessés, sans nourriture et sans soins, pendant deux jours. Napoléon craignant l'indignation que créeraient les récits des blessés rapatriés, interdit leur évacuation sur la France. Ils vont s'entasser dans les hôpitaux d'Erfurt.
Higonet est indemne, mais son frère, colonel dans le même régiment est tué.
Les combats d'Eylau font 3000 morts et 7000 blessés chez les Français. A la veille de chaque bataille, l'Empereur fait rappeler qu'il est interdit de quitter les rangs pour secourir ceux qui tombent. Trop souvent, des soldats ont mis un empressement suspect à transporter un blessé bien loin de la ligne de feu. Higonet, la jambe gauche labourée par une balle et fortement contusionné au bas-ventre, ne peut continuer le combat. Il se traîne jusqu'à l'ambulance de Larrey.
Au matin ce dernier s'est installé dans une maison qu'il a dû défendre pied à pied contre Caulaincourt qui veut la réquisitionner pour l'Empereur. Pendant vingt-quatre heures, sans repos, sans nourriture, sans même "satisfaire au plus puissants besoins que prescrit la nature", le chirurgien sectionne, désarticule, tranche et recoud.
Une tempête de neige soufle avec violence, la température descend à moins quatorze degrés. Les aides, les doigts paralysés par le froid, n'arrivent plus à opérer et se contentent de passer les instruments, puis laissent tomber bistouris et scalpels.
En une journée, Larrey, sans paraître touché par la fatigue, arrive à pratiquer deux cents amputations. Il lui faut moins de deux minutes pour désarticuler l'épaule d'un blessé. Celui-ci généralement assis sur un tambour, suporte sans broncher l'opération....hurle..""" Vive l'Empereur""", si la douleur est trop forte, avale ensuite un verre de vin ou de quinquina si l'approvisionnement le permet, et laisse la place qu suivant.
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