LE JOUR LE PLUS LONG : Pressentant le danger d'être pris en tenaille entre les troupes à sa poursuite, et la garnison de Grenoble au nord qui n'allait pas manquer de descendre lui couper la route, Napoléon envoie Cambronne avec ses chasseurs de la vieille garde et un peloton de Chevau-Iégers polonais, occuper La Mure pour parer à toute éventualité. Pierre Cambronne est à La Mure à minuit. Surprise, son adjudant-major Laborde qui doit faire le logement pour l'avant-garde, rencontre un autre adjudant major du 5° de ligne qui arrivait lui de Grenoble pour s'occuper du logement de son propre bataillon. Laborde l'interpelle :
- Je vois que nous portons une cocarde différente, mais dis-moi avec la franchise d'un soldat, sommes-nous amis ou ennemis ?
- Deux vieux compagnons d'armes seront toujours amis ! répond l'adjudant-major en lui serrant la main.
- Alors faisons le logement ensemble !
L'adjudant du 5° de ligne accepte la proposition, puis s'esquive pour aller informer son Chef de bataillon. De son côté Laborde rapporte l'incident à Cambronne, qui apprend en même temps qu'une troupe d'infanterie, avec une compagnie du génie, se met en position à 500 m de La Mure, sur une hauteur appelée la Pontine. Cambronne envoie un de ses officiers pactiser avec ce chef de bataillon nommé Delessart, ancien de la garde impériale, qui refuse de recevoir l'émissaire. Cambronne y va lui-même, mais une sentinelle lui intime l'ordre de s'éloigner ou "
Je fais feu !" Le général revient à La Mure et poste un piquet de garde à l'entrée du village et au lieu de loger ses hommes les fait bivouaquer sur la place de l'hôpital. Il va souper à l'auberge, quand un paysan l'avertit que le 5° de ligne se met en mouvement pour tourner La Mure et se porter au pont du Pont-Haut, sur la route de Corps, et le faire sauter.
L'occupation de Pont-Haut, pont haut sur la rivière la Bonne très encaissée à cet endroit, aurait coupé l'avant-garde de Cambronne du gros de la colonne. Remettant son souper au lendemain, Cambronne rétrograde avec sa petite troupe pour protéger le pont et envoie une estafette prévenir l'Empereur de l'attitude du 5° de ligne. Le maire de La Mure, M. Genevois vient dire tout haut au chef de bataillon Delessart, de façon à être entendu par la troupe, qu'il est absurde de détruire le pont puisqu'il y a un gué plus loin, et que la perte du pont porterait un grave préjudice au commerce de la commune. Devant ces paroles de bon sens, approuvées par les sapeurs du génie qui cherchaient un prétexte pour ne pas obéir, Lessart décide lui aussi de rétrograder et s'en va bivouaquer à Laffrey. Cette nuit là, La Mure où s'était rencontré les deux avant-garde, se trouve évacuée.
Pour ce jour le plus long, Napoléon quitte Corps à 6 heures du matin, avec son état-major et un peloton de chevau-Iégers polonais, laissant la troupe mangerla soupe à Corps.
Depuis la fenêtre de sa chambre, il admire l'Obiou qui culmine à 2.789 m...
Napoléon et sa troupe retrouvent le général Cambronne à Pont-Haut, et arrivent à La Mure à 8 heures où ils font une halte sur la colline du Calvaire. Plus de mille personnes suivent acclamant l'Empereur. Un piquet de chasseurs les maintiennent en cercle autour d'un bivouac improvisé. Pendant cette halte, Napoléon s'entretient avec le maire M. Pierre-Noé Genevois, et ses conseillers municipaux. M. Genevois aîné , sera récompensé d'avoir évité de faire sauter le pont de Pont-Haut, il sera sous-préfet pendant les CentJours, donc le premier et le dernier sous-préfet de La Mure.
Il fait chaud, et un caporal apporte un seau de vin pour les hommes du piquet. Napoléon fait un signe au caporal et dans le même verre que les soldats, boit à son tour, ce qui fait frémir de plaisir ces vieilles moustaches !
A 11 heures, on se remet en route, les Polonais en tête, les chasseurs de la vieille garde ensuite, les uns à pied, les autres en charrettes offertes par les habitants, enfin l'Empereur en calèche, son cheval mené en main. Le gros de la colonne venant de Corps n'a pas encore rallié.
A 1 heure de l'après-midi, on est à Pierre Châtel, 161 habitants en 1815. Le maire est Jean-Baptiste Troussier, et parmi toute la population accourue, une fillette de 12 ans, Séraphique Troussier, vient offrir à l'Empereur un bouquet de violettes. Cette petite Séraphique se souviendra toute sa vie (elle mourra à 97 ans) de ce baiser mémorable de Napoléon.
Voici une photo récente de la colline du Calavaire. Photo inédite que l'on ne trouve jamais sur les livres retraçants cette épopée.
L'endroit est un peu oublié même des habitants de la Mure qui ont été étonnés qu'on y fasse une halte, il y a 3 ans, avec de la cavalerie qui poussa jusque Laffrey par ce chemin authentique, q'emprunt a Napoléon en mars 1815 :
C'est sur ce Forum est nulle part ailleurs...