ERNOUF Jean-Auguste
Né le 29 août 1753 à Alençon (Orne)
Décédé le 12 septembre 1827 à Forest-Montiers (Somme)
Ayant reçut une éducation distinguée, il embrassa avec ardeur la carrière des armes. Nommé lieutenant dans le 1er bataillon de volontaires de son département, le 24 septembre 1791, capitaine le 22 mars 1792, et le 5 mai 1793 aide-de-camp du général Barthel à l’armée du Nord, il obtint le 30 juillet suivant le grade d’adjudant-général chef de bataillon, après les affaires de Rosbruge et d’Ost-Cassel. dans la Flandre maritime. Nommé parles Représentants du peuple commandant du camp de Cassel, le 16 septembre de la même année, pendant qu’il était occupé à fortifier ce poste important, le duc d’York mettait le siège devant Dunkerque et bloquait la ville de Bergues, alors dépourvue de garnison. Ernouf parvint à jeter un millier d’hommes dans la place, rejoignit Houchard, qui marchait au secours de Dunkerque, instruisit ce général de la force et de la direction de l’ennemi, puis, se mettant à la tête d’une colonne, il fit lever le camp anglais qui cernait Bergues. Le pouvoir exécutif, appréciant la part qu’Ernouf avait prise au succès, l’éleva, le 21 septembre 1793, au grade de général de brigade, et le nomma, le 30 du même mois, chef d’état-major de l’armée du Nord.
Ce fut encore par ses conseils que le général en chef, Jourdan, ayant trouvé le prince Cobourg par derrière le bois de Wattignies, le contraignit à repasser la Sambre et à lever le siège de Maubeuge : ce service important lui valut sa promotion au grade de général de division, le 23 frimaire an II. Mais Jourdan, demeuré dans l’inactivité, par suite du mauvais état des chemins, fut rappelé par le Comité de salut public, et Ernouf partagea la disgrâce de son général, qu’il suivit bientôt après à l’armée de Sambre-et-Meuse en qualité de chef d’état-major, par ordre des représentants Gilet et Guyton, du 16 messidor an II.
L’envahissement de Charleroi, le passage de la Sambre, et la victoire de Fleurus, furent dus en partie au général Ernouf. Dans ces différentes circonstances, il seconda parfaitement le général en chef Jourdan, et pendant la retraite de l’armée de Sambre-et-Meuse il sauva le parc d’artillerie qui avait pris une fausse direction.
Nommé, le 26 fructidor an V, directeur du dépôt de la guerre, auquel on réunit le cabinet topographique et historique, presque alors attaché au Directoire, il fit, à la même époque, partie du comité militaire, chargé de tracer la nouvelle ligne de défense des frontières du Rhin à la Meuse. Il quitta la direction du dépôt, le 22 vendémiaire an VII, pour aller occuper les fonctions de chef d’état-major à l’armée du Danube, qu’il commanda au départ du général en chef, et dont il dirigea la retraite vers la Kintzing, où il prit position jusqu’à l’arrivée de Masséna. Alors envoyé à l’armée des Alpes pour opérer son incorporation dans l’armée d’Italie, il devint inspecteur des troupes d’infanterie dans cette contrée, fut en la même qualité employé dans l’Ouest, au commencement de l’an VIII, puis, après le traité de Lunéville, il alla au même titre à Turin, à Gênes, à Milan et à Naples, et revint à Paris, le 17 ventôse an XI. Légionnaire, le 15 pluviôse an XII, grand officier de l’Ordre le 25 prairial suivant, le premier Consul le nomma, vers cette époque, capitaine général de la Guadeloupe.
La plus affreuse anarchie régnait alors dans cette colonie ; les nègres marrons y commettaient impunément de nombreux assassinats, et les hommes de couleur, en insurrection permanente contre les blancs, les chassaient impunément de leurs propriétés ; cette situation se compliqua par la rupture du traité d’Amiens, qui appela de nouveau la guerre dans ces contrées. En moins d’une année, le général Ernouf rétablit l’ordre, remit l’agriculture en vigueur, et releva les batteries des côtes ; mais si son administration fut sage et habile, il ne put échapper à l’accusation d’avoir commis quelques dilapidations. Quelque temps après, il se rendit maître de l’île suédoise de Saint-Barthélémy, où les rebelles de Saint-Domingue faisaient un commerce interlope, et, de 1809, de nombreux corsaires sortirent des ports de la colonie. La totalité des navires pris sur l’ennemi s’éleva à 734, et le produit de leur vente à 80 millions. La guerre avec l’Espagne et la prise de la Martinique fut un signal de mort pour la Guadeloupe ; bloquée de tous côtés par les forces maritimes des Anglais, elle vit tomber successivement en leur pouvoir les petites îles de sa dépendance et se trouva bientôt réduite à la plus affreuse misère. Là majeure partie des troupes avaient péri, et les habitants désespérés parlaient chaque jour de se rendre ; dans ces circonstances, 11 000 hommes de troupes anglaises, commandés par le général Becwith, opérèrent une descente sur les côtes de la Capestère, et attaquèrent le général Ernouf par trois côtés à la fois ; celui-ci battit l’ennemi sur deux points, mais ayant perdu la moitié de son monde, il fut contraint de signer, le 6 février 1810, une capitulation, par suite de laquelle lui et ses malheureux compagnons furent conduits en Angleterre.
Atteint d’une maladie déclarée mortelle, il obtint l’autorisation de rentrer en France, débarqua le 27 avril 1811 à Morlaix, et obtint son échange quelques mois après. Napoléon, irrité de la perte de la Guadeloupe, avait rendu, le 18 juillet 1811, un décret prononçant la mise en accusation du général Ernouf comme accusé d’abus de pouvoir, de concussion et de trahison. Le résultat de la commission d’enquête, présidée par le maréchal Moncey, fut envoyé au comte Regnault-Saint-Jean-d’Angely, procureur général de la haute Cour impériale qui, aux termes de la constitution, avait le droit exclusif de juger les capitaines généraux ; mais les conclusions du procureur général furent, que la haute Cour n’était pas suffisamment organisée pour entamer une procédure. On renvoya donc l’affaire devant la Cour de cassation pour assigner une juridiction au général, et le ministère public conclut à son renvoi devant le tribunal de première instance. Cette nouvelle procédure n’eut aucune suite, et cette affaire, qui retint vingt-trois mois le général Ernouf en captivité, eut pour premier résultat son exil à cinquante lieues de la capitale, sans pouvoir obtenir qu’un conseil de guerre prononçât sur son sort.
Louis XVIII, à son retour en France, rendit une ordonnance, où il était dit qu’en considération des difficultés immenses qu’on éprouvait à recueillir les témoignages, et en raison surtout des services rendus par le général Ernouf à sa patrie, la procédure dirigée contre lui serait annulée. Créé chevalier de Saint-Louis, le 20 août de la même année, et nommé inspecteur général d’infanterie, le 3 janvier 1815, il se rendit en cette qualité à Marseille, où il se trouvait lors du débarquement de Napoléon à Cannes. Le duc d’Angoulême lui avait confié le commandement du 1" corps de son armée ; mais la défection d’une partie de ses troupes et la nouvelle de la capitulation de ce prince à La Palud l’obligèrent, le 11 avril, à les licencier. Il revint alors à Marseille, où les dispositions prises par le maréchal Masséna, en faveur de la cause impériale, le- déterminèrent à se rendre à Paris. Destitué par un décret impérial du 15 avril 1815, il vit mettre le séquestre sur son hôtel à Paris et les scellés sur ses papiers ; mais au retour des Bourbons une ordonnance le rétablit dans ses droits et dans ses propriétés. Louis XVIII lui accorda, le 3 mai 1816, le titre de baron avec la croix de commandeur de l’ordre de Saint-Louis, et lui conféra, le 11 novembre de la même année, le commandement de la 3e division militaire (Metz), dont le territoire était presque entièrement occupé par les troupes alliées, et où il sut par ses efforts entretenir la bonne harmonie entre les habitants et les soldats étrangers.
Vers la même époque il accompagna le duc d’Angoulême lors de la reprise de Thionville par les troupes françaises. Il avait été envoyé à la Chambre des députés par le département de l’Orne, en 1815. Élu par le département de la Moselle, en 1816, il obtint en 1818 l’autorisation de venir siéger à la Chambre des députés, et quitta le commandement de la 3e division lors de son admission à la retraite, le 22 juillet 18181.
Il décède en son château de Forest-Montiers (Somme), le 12 septembre 1827.
Sa sépulture est toujours présente dans le cimetière de cette commune.
Grand officier de la Légion d’Honneur, de l’Aigle Rouge de Prusse.
A épousé Marie-Françoise RICROC.
Source : C.Mullié