Masson écrivit ainsi, en parlant de l'acteur :
"Napoléon aimait beaucoup Talma et en dehors de sa pension, on trouve la trace de nombreuses largesses sans que ce bourreau d'argent en fût plus riche." ...
Né le 15 Janvier 1763, l'acteur préféré de Napoléon apprendra, vers l'âge de quinze ans, le métier de dentiste auprès de son père, alors établi à Londres.
Lorsqu'il revient sur Paris, en 1784, sa première vocation de "chirurgien-dentiste" ne résista pas à l'attrait du théâtre, et par l'intermédiaire du Duc de Chartres, notre acteur s'inscrit à l'Ecole Royale d'art dramatique pour deux années de cours.
A sa sortie, il est engagé par la Comédie Française, pour de petits rôles.
Puis, il fonde le théâtre de la République, et commence à avoir une certaine notoriété, en fréquentant tous les endroits à la mode.
On le voit souvent chez Julie Careau qui tient un salon où se réunissent volontiers quelques révolutionnaires modérés.
Talma, amateur de jolies femmes, épouse l'hôtesse de ce salon, en 1790.
Lorsque peu de temps après elle se trouve séparée de son époux, elle devient la propriétaire de Joséphine de Beauharnais, Rue Chanterine à Paris ...
Mais l'heure n'est plus au modérantisme, et notre Talma se voit traîné devant le tribulanl révolutionnaire, pendant que les Girondins sont pourchassés, arrêtés et guillotinés.
C'est grâce à l'intervention du grand peintre David, avec lequel il s'est lié en 1787, que Talma aura finalement la vie sauve.
C'est en 1792 qu'il fit la connaissance d'un "petit officier Corse", du nom éclatant de "Napoléon Bonaparte", lui-même passionné de théâtre et, surtout, de tragédie.
Ce généreux "petit Corse" donnera de temps à autre des billets de faveur à l'acteur, et ira même jusqu'à lui payer le loyer de sa chambre d'hötel, alors que, Général sans emploi en 1795, notre futur Empereur traîne sa misère sur le pavé de Paris !
Désormais, et jusqu'à la fin de l'Empire, les relations entre les deux hommes seront suivies et amicales.
Talma faisait partie des rares privilégiés à la table du Maître des Tuileries ou de Saint Cloud.
Napoléon aimait à critiquer le jeu de l'acteur qui se prêtait bien à cet examen, Il lui donnait même des conseils, et réclamait son avis sur les auteurs de pièces de théâtre...
C'est Talma qui insistait toujours pour que les pièces historiques soient jouées en costumes d'époque, attachant à cela un souci de rigueur et de vérité historique jusque dans les décors.
Il est présent lors de l'entrevue d'Erfurt en 1808, quand les deux Empereurs de France et de Russie se rendent chaque soir au spectacle.
C'est d'ailleurs là, que dans la première scène d'Oedipe se trouve le fameux vers :
"L'amitié d'un grand homme est un bienfait des Dieux"
Alexandre se tournant alors vers Napoléon lui dit :
"Je compte sur la vôtre" ...
C'est encore là que le grand poète Goethe, assistant à la représentation du Britannicus de Racine, se verra décoré par Napoléon de la Légion d'Honneur.
La fin de cette belle histoire de Talma et Napoléon, chacun la connaît ...
Lors de la Première Restauration, l'acteur , connu de l'Europe entière, se verra dans l'obligation de jouer devant un parterre de royalistes et officiers alliés ...
Pire, il devra lire un couplet de vers à la gloire de Louis XVIII !
Il le déclamera seul, et en habit noir ...
Puis il s'empressera de s'en excuser auprès de Napoléon, en lui adressant une épître, où il affirme que "sa mémoire reconnaissante lui reste fidèle"...
Napoléon ne lui en voudra d'ailleurs nullement, puisque dès le lendemain de son retour en 1815, il assistera au Théâtre-Français à la représentation d'
Hector, où joue son acteur favori.
Et c'est là, juste après la représentation, que Napoléon remercie Talma pour sa lettre, en ces quelques mots :
"Vous étiez malheureux en me l'écrivant, je vous apporte la réponse moi-même".
Quelle magnifique et fidèle Amitié !
Après le départ définitif de l'Empereur pour l'exil, Talma, devenu Secrétaire de la Comédie Française, sera pensionné par le roi.
Son dernier grand succès sera joué en Juin 1826 le
Charles VI de Delavigne.
Il mourra quelques mois plus tard, toujours considéré par le public comme un acteur de grand talent.