"Les fournisseurs et les faiseurs d'affaires étaient le fléau, la lèpre de la Nation. La France entière n'aurait pas suffi à ceux de Paris. Ils composaient une véritable puissance et ils étaient des plus dangereux pour l'Etat dont ils obstruaient et corrompaient les ressorts par leurs intrigues, celles de leurs agents et de leur nombreuse clientèle. Ils composaient alors la tête de la société et ils y tenaient le premier rang. Je fis rentrer tout ce faux lustre dans la foule. Jamais je n'en voulus élever aucun aux honneurs : de toutes les aristocraties, celle-là me semblait la pire." ...
Ainsi s'exprimait Napoléon, évoquant les Banquiers de la fin du Directoire ...
Toutefois, tout en citant dans le même temps Banquiers et faiseurs d'affaires, Napoléon faisait entre les deux catégories, une nette distinction ...
Dans les premiers jours du Consulat, s'adressant à Joséphine, il disait :
"Je consens à ce que vous diniez chez les Banquiers : ce sont des marchands d'argent, mais je ne veux pas que vous alliez chez des fournisseurs : ce sont des voleurs d'argent." ...
Et s'il n'a élevé aux honneurs aucun fournisseur, il se trouva quelques banquiers ainsi honorés.
Et les honneurs, c'était bien sûr le Sénat, mais aussi La Légion d'Honneur, la noblesse impériale et aussi certainement l'ordre de la Réunion.
Pour les Banquiers étrangers, comme pour tous les étrangers, s'ils étaient admis dans la Légion, en revanche ils n'y étaient pas reçus.
Ils pouvaient ainsi être décorés du Grand Aigle, de l'Aigle d'or ou d'argent, mais ne pouvaient en aucun cas recevoir de titre, que ce fut celui de grand Officier, de Commandant ou encore d'Officier simplement.
Au Sénat, en tant que Banquier, on ne trouve que Perregaux, et son cas mérite analyse, tant il est particulier, et sa nationalité suspecte ...
Né à Neuchâtel, le 4 Septembre 1744, c'est là qu'il fonde sa "maison de banque" ; il était à ce moment là sujet du roi de Prusse.
Pendant la Terreur, c'est encore à Neuchâtel qu'il se réfugie, attendant le 9 Thermidor...
Mais que s'est-il donc passé après, et à quelle date a-t-il obtenu sa naturalisation ? Personne ne le savait alors.
Perregaux avait une influence certaine dans le milieu des banquiers de l'époque, et il fut le seul, durant la Révolution, à avoir gardé un courant de correspondances régulières avec l'Europe.
Il était aussi le Banquier de Joséphine, et c'est à lui que Bonaparte, au lendemain de Brumaire, fit appel pour trouver rapidement de l'argent, les Ciasses de l'Etat étant vide ...
Marmont que nous avons évoqué il y a peu dans un autre post devint le mari de Mademoiselle Perregaux, et c'est Bonaparte qui dota alors le futur Maréchal ...
Toutefois, ce ne fut pas le Premier Consul qui nomma Perregaux au Sénat, mais Lebrun.
Par la suite, Napoléon approuva l'élection, et chargea Perregaux de l'organisation de la Banque de France, le nommant aussi Commandant de la Légion, en Juin 1804.
Après les Banquiers, les hommes d'argent les plus importants se nommaient "agents de change".
Deux furent décorés : Mr Le Cordier, Maire du Ier arrondissement, Officier en Juin 1811, lors du b^ptême du Roi de Rome.
Et Mr Péan de Saint Gilles, Maire du Vème arrondissement qui reçut la Croix en Décembre 1809.
L'argent ne comptait pas en des circonstances où il fallait des services profitant à l'Etat et à la Nation, des services qu'un gouvernement pouvait récompenser sans honte parce que la distinction dont ils faisaient l'objet était, aux yeux de tous et du Peuple, une démarche justifiée...