Nous venons d'évoquer très succintement Waterloo, et j'aime à faire le parallèle entre cette dernière bataille de l'Empereur avec celle de Marengo , dont la victoire, en ce 14 Juin 1800, ouvrit à Napoléon les portes du pouvoir, comme Waterloo les lui referma brutalement, quinze années et quatre jours plus tard ...
Et l'Empereur qui n'était pas dupe, n'oublia jamais que si Marengo n'avait pas connu cette issue heureuse , ç'en était fini de ses ambitions politiques ...
Mais cette victoire, il dût la payer au prix fort, dans la perte de l'un de ses véritables amis ... Desaix...tué ce soir-là, en conduisant la charge qui devait changer le cours de la bataille...
Napoléon ne pensait pas alors que le gros des Autrichiens se trouvait si près de lui, et il éparpilla même certaines de ses troupes, en leur enjoignant de trouver ces Autrichiens qu'il croyait en route vers Gênes ...
Ce qui se passa alors, à contrario d'un scénario mettant en scène Grouchy à Waterloo, c'est celui de Desaix, qui, ayant entendu le bruit du canon, décida aussitôt de revenir sur ses pas, avec hommes, chevaux et canons ! Quel bon sens ! ...
Son arrivée eût un triple effet bienfaiteur : il rassura l'Etat Major, galvanisa les troupes, et surtout modifia radicalement une situation, qu'il avait su analyser immédiatement !
De fait, Louis Desaix n'eut pas l'occasion de briller encore à Ulm, à Austerlitz, à Iéna, à Eylau, à Friedland, à Eckmühl, à Essling, à Wagram ou à la Moscova.
Sans aucun doute, il aurait été fait Maréchal de France, Duc, Prince et peut-être aussi Roi d'une des multiples conquêtes impériales.
Il serait devenu le conseiller le plus écouté de Napoléon, celui dont la fidélité ne lui aurait jamais fait défaut, celui enfin, qui, contrairement à tant d'autres, ne l'aurait certainement jamais trahi...
Et qui sait, si à Waterloo, comme à Marengo, il n'aurait pas renversé la situation à son profit, en écrasant Wellington ?
Mais l'Histoire n'est pas de la fiction, et tout ceci ne peut être que spéculation ...
Reste que Marengo constitue bien l'envers de Waterloo, car chacun sait que dans cette ultime bataille que Napoléon livra à une Europe toute entière coalisée contre la France, les erreurs tactiques de certains de ses hommes, en charge de commandement, mirent en péril une situation qui aurait pu tourner à l'avantage de l'Empereur ...
Mais on connait la suite ! Grouchy, obéissant à des ordres déjà dépassés, est arrivé trop tard, et n'a pas su prendre , de son propre chef, l'initiative qui permit à Desaix de se trouver à Marengo, au bon moment ..
A Marengo, alors que Bonaparte "perdait" sa première bataille, Desaix lui, gagnait sa dernière ...
A Waterloo, hélas, Desaix ne sera plus, et comme Roland à Roncevaux, Napoléon semblera l'attendre ...mais en vain.
Marengo et Waterloo ... Quelle subtile alchimie de la naissance et de la mort, ouvrant et refermant la glorieuse épopée impériale.