13 Janvier 1815 ...
L'exil de Napoléon à l'île d'Elbe devait durer l'espace de dix mois.
S'étant ressaisi, après une vague d'émotions de tous genres, il avait fait sienne cette petite île sur laquelle régulièrement il faisait manoeuvrer sa petite Armée, imprégné qu'il était du zèle enthousiaste d'un jeune Officier à son premier commandement ...
C'est alors que routes, fortifications, résidences furent mis en projet de constructions ; parrallèlement, les Finances furent réformées, les mines exploitées et l'Administration réorganisée.
Tout ceci n'était point trop pour notre Grand Homme insatiable de travail et d'occupations diverses.
Mais, en même temps, dans son esprit en perpétuelle activité fébrile, mûrissait un tout autre projet ...
Ainsi, lorsque débarquant à Golfe Juan le 1er Mars 1815, l'Armée eût le bonheur d'entrendre cette inoubliable proclamation :
"- Soldats !
Nous n'avons pas été vaincus : deux hommes sortis de nos rangs, ont trahi nos lauriers, leur pays, leur prince, leur bienfaiteur !
Ceux que nous vons vu, pendant vingt-cinq ans, parcourir toute l'Europe pour nous susciter des ennemis, qui ont passé leur vie à combattre contre nous dans les rangs des Armées étrangères, en maudissant notre belle France, prétendraient-ils commander et enchaîner nos Aigles, eux qui n'ont jamais pu soutenir les regards ! Souffrirons-nous qu'ils héritent du fruit de nos glorieux travaux ! Qu'ils s'emparent de nos honneurs, de nos biens, qu'ils calomnient notre gloire ?
Si leur règne durait, tout serait perdu, même le souvenir de ces immortelles journées ! Avec quel acharnement ils les dénaturent ! Et s'il reste encore des défenseurs de notre gloire, c'est parmi ces mêmes ennemis que nous avons combattu sur le champ de bataille !
Soldats ! Dans mon exil, j'ai entendu votre voix ! Je suis arrivé à travers tous les obstacles et tous les périls ! Votre Général appellé au trône par le choix du peuple, et élevé sur le pavois, vous est rendu, venez le joindre !...
Arrachez ces couleurs que la Nation a proscrites, et qui pendant vingt-cinq ans servirent de ralliement à tous les ennemis de la France ! Arborez cette cocarde tricolore ! Vous la portiez dans nos grandes journées ...
Nous devons oublier que nous avons été les Maîtres des Nations ! Mais nous ne devons point souffrir qu'aucune se même de nos affaires ...
Qui prétendrait être le Maître chez nous ? Qui en aurait le pouvoir ? Reprenez ces Aigles que vous aviez à Ulm, à Austerlitz, à Iéna, à Eylau, à Friedland, à Tudela, à Eckmühl, à Essling, à Wagram, à Smolensk, à la Moskowa, à Lützen, à Wurchen et à Montmirail ...
Pensez-vous que cette poignée de Français si arrogants puissent en soutenir la vue ? Ils retourneront d'où ils viennent, et là, s'ils le veulent, ils règneront comme ils prétendent avoir régné pendant dix-neuf ans.
Vos biens, vos rangs, votre gloire, les biens, les rangs, la gloire de vos enfants, n'ont pas de plus grands ennemis que ces princes que les étrangers nous ont imposés. Ils sont les ennemis de notre gloire, puisque le récit de tant d'actions héroïques qui ont illustré le peuple français, coimbattant contre eux pour se soustraire à leur joug, est leur condamnation.
Les vétérans de Sambre-et-Meuse, du Rhin, d'Italie, d'Egypte, de l'Ouest, de la Grande Armée sont humiliés. Leurs honorables cicatrices sont flétries. Leurs succès seraient des crimes ; ces Braves seraient des rebelles si, comme le prétendent les ennemis du peuple, des souverains légitimes étaient au milieu des Armées étrangères.
Les honneurs, les récompenses, les affections sont pour ceux qui les ont servis contre la Patrie et nous.
Soldats, venez vous ranger sous les drapeaux de votre Chef ; son existence ne se compose que de la vôtre ; ses droits ne sont que ceux du peuple et les vôtres ; son intérêt, son honneur, sa gloire, ne sont autres que votre intérêt, votre honneur et votre gloire. La victoire marchera au pas de charge ; l'Aigle avec les couleurs nationales, volera de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre-Dame ; alors, vous pourrez montrer avec honneur vos cicatrices ; alors, vous pourrez vous vanter de ce que vous aurez fait : vous serez les libérateurs de la Patrie.
Dans votre vieillesse, entourés et considérés de vos concitoyens, ils vous entendront avec respect raconter vos hauts faits ; vous pourrez dire avec orgueil : et moi aussi je faisais partie de cette Grande Armée qui est entrée deux fois dans les murs de Vienne, dans ceux de Rome, de Berlin, de Madrid, de Moscou, qui a délivré Paris de la souillure que la trahison et la présence de l'ennemi y sont empreintes.
Honneur à ces braves soldats, la gloire de la Patrie ! Et honte éternelle aux Français criminels, dans quelque rang que la fortune les ait fait naître, qui combattirent vingt-cinq ans avec l'étranger pour déchirer le sein de la Patrie."
Napoléon.
Désolée pour la longueur de mon intervention, mais cette proclamation impériale exhale un tel parfum de patriotisme, d'honneur et de bravoure, qu'elle constitue à elle seule une brillante justification dans l'esprit de tout Français digne de son Pays, et fier de le représenter.
VIVE L'EMPEREUR !