Je viens de trouver ceci dans "Choses vues" de Victor Hugo (14 janvier 1847 )
Pendant la séance, M. le duc de Mortemart est venu à mon banc et nous avons causé de l’empereur. M. de Mortemart a fait les grandes guerres. Il en parle noblement. Il était officier d’ordonnance de l’empereur dans la campagne de 1812.
« — C’est là, me dit-il, que j’ai appris à connaître l’empereur. Je le voyais de près à chaque instant, jour et nuit. Je le voyais se raser le matin, passer l’éponge sur son menton, tirer ses bottes, pincer l’oreille à son valet de chambre, causer avec le grenadier de faction devant sa tente, rire, jaser, dire des riens, et à travers tout cela, dicter des ordres, tracer des plans, interroger les prisonniers, consulter les généraux, statuer, résoudre, entreprendre, décider, souverainement, simplement, sûrement, en quelques minutes, sans rien laisser perdre, ni un détail de la chose utile, ni une seconde du temps nécessaire. Dans cette vie intime et familière du bivouac, il était sublime et, à chaque instant, son intelligence jetait des éclairs. Je vous réponds que celui-là faisait mentir le proverbe : Il n’est pas de grand homme pour son valet de chambre.
— Monsieur le duc, lui ai-je dit, c’est que le proverbe a tort. Tout grand homme est grand homme pour son valet de chambre. »