MURAT et l’Italie.
Si l’on veut croire que chacun a son Destin, nous pouvons dire que celui de Joachim Murat est lié à l’Italie ; Il y commença sa carrière militaire par son premier combat à Dego en 1796 pour achever sa vie à Pizzo en 1815.
Du jeune révolutionnaire de 1793 au trône de Naples en 1808, personne mieux que lui ne personnalise cette époque ; Honneurs, argent, gloire Murat a tout connu, conservant toujours ses convictions jacobines qui le feront s’approcher des Carbonari dès 1813. Voyons ce parcours italien .
La première campagne. 1796-1797.
Il faisait froid ce 11 mars 1796 à 23heures, quand dans la berline qui suivait celle du Général Bonaparte montent le colonel Murat, le capitaine Le Marois et le lieutenant Louis Bonaparte, tous trois aides de camp du commandant en chef de l’armée d’Italie. Dans la première voiture Napoléon Bonaparte est avec Junot, son premier aide de camp et Chauvet l’ordonnateur de l’armée d’Italie. Ils quittent Paris pour rejoindre Nice où les attend le chef de bataillon Marmont, ayant le même titre que les précédents, parti la veille pour y préparer l’arrivée du nouveau chef. Le chef d’état-major , le général de brigade Berthier, est déjà sur place. Le Directoire a donné 40 000 francs or pour payer ces soldats oubliés dans les Alpes méditerranéenes.
Petite armée, sans doute, de 40 000 hommes dont les généraux de division s’appellent Masséna, Augereau et Serrurier, ainsi que Macquart et Garnier. Une faible cavalerie, en mauvais état, sous le commandement de Stengel qui se compose de 11 régiments squelettiques.
Que connais le jeune colonel de 29 ans qu’est Murat sur ses nouvelles fonctions ? La réponse est simple, presque rien. Aide de camp du général d’Urre du 14 avril 1793 au 1er mai de la même année grâce à la protection du général Dampierre, nous ne pouvons pas dire qu’il connaisse les états-majors. A l’armée du Nord en 1792-93, rien ne laisse supposer que son régiment fut engagé contre les Autrichiens, il semble que stationné à Hesdin, il s’occupa d’escortes de convois et surtout de polémiquer avec son colonel, homme louche s’il en fut, Landrieu.
La seule chose qu’il possède c’est l’instinct. Il a un sixième sens pour enlever ses cavaliers et trouver la faille chez son adversaire, il transmet son enthousiasme dans l’action avec une bravoure et une joie communicative, il ne doute jamais du succès, il l’a prouvé en allant récupérer les canons au camp des Sablons le 13 vendémiaire 1795.
Pour l’instant à Nice, qui appartient au roi du Piémont, dans l’Hotel particulier du comte de Saint Pierre de Nieusbourg, où se trouve l’état-major de Bonaparte, Joachim Murat apprend, regarde, étudie. Il sent que sa chance sera dans son rôle durant la campagne qui s’ouvre, en faisant parti du noyau qui gravite autour du général en chef.
A cette époque, Murat n’a pas les moyens de s’offrir les tenues qu’il portera plus tard et comme les autres il a gardé celle de son régiment qui est le 21e chasseurs à cheval. Nommé le 29 février 1796 auprès de Bonaparte aurait- il eu le temps, et l’argent, de se faire tailler la tenue réglementaire de sa fonction ?. Il ne fait qu’ajouter sur son bras gauche le brassard tricolore d’aide de camp de général de corps d’armée ainsi que le plumet bleu blanc et rouge placé sur son mirliton.
Nos ennemis, pour l’heure, sont les Autrichiens et leurs alliés italiens à savoir le roi de Piémont–Sardaigne et celui de Naples. Il y a dans le Nord de l’Italie 20 000 Piémontais, général en chef le Feld maréchal Colli, qui protègent la route de Turin, 30 000 Autrichiens, du Feld maréchal Beaulieu, surveillent avec des troupes à Novi et Acqui la route de Milan. Au centre, entre Dego et Millesimo, 15 000 Autrichiens et Piémontais aux ordres des généraux d’Argenteau et Provera. Enfin en réserve vers Lodi et Pavie, 16 000 hommes de Sebottendorf. Soit 81 000 hommes et 140 canons. Ces troupes sont bien équipées et bien nourries…
Les notres sont à la limite de la mutinerie et de l’insoumission . Par un de ses discours dont il a le secret Bonaparte va transformer ses mendiants en armes en vainqueurs.
Le 12 avril c’est à Montenotte qu’il bat les Autrichiens, le 13 à Dego et le 14 à Millesimo ce sont les Piemontais .
Murat a vite appris et montré son talent, déjà à Dego il charge avec 200 dragons et fonce sur les bataillons ennemis de Wukassowitz, Bonaparte le cite dans son rapport. Le 21 avril à Mondovi, la cavalerie de Stengel voulant gagner la plaine se trouve attaquée par le régiment des dragons du Roi de Sardaigne, il n’a que 300 cavaliers du 5e dragons et 20 hussards d’escorte, il est tué. Bonaparte envoi Murat se rendre compte sur place , il ne revient pas pour faire un rapport mais regroupe les hommes et avec le 20e dragon envoyé par Beaumont culbute l’ennemi au délà de la rivière Ellero. La victoire de Mondovi oblige les Piemontais à signer un armistice à Cherasco , Murat assiste aux pourparlers . Nous pouvons considérer aux vues de l’avenir qu’ entre Bonaparte et lui c’est le zénith d’une relation où l’amitié prend le pas sur la raison politique ou militaire.
Par ce traité nous avions l’autorisation de passer par les débouchés des Alpes, le 28 avril c’est par cette route que Murat ira porter le document au Directeurs à Paris alors que Junot, lui qui est parti le 24, a été chargé des drapeaux pris dans ces quelques jours à l’ennemi. L’un et l’autre sont chargés de ramener la citoyenne Bonaparte auprés de son époux…
La réception au Directoire est à la hauteur des 22 drapeaux offerts par Murat et Junot, les récompenses suivent et le 10 mai Joachim Murat obtient le grade de général de brigade. Des quelques jours passés à Paris certains en ont fait des gorges chaudes dues à ses fréquentes visites à Joséphine ; tout cela est sans preuves, par contre il essaya avec l’appui de Barras d’obtenir le commandement de la Garde du Directoire, ou celle de la cavalerie de l’armée d’Italie ce qui est prouvé par la lettre de Salicetti écrite à Bonaparte le 11mai. Son séjour sera riche en prise de contacts ,en honneurs et en argent.
De retour en Italie cette fois en calèche, Murat est un général sans troupes. Son grade ne peut pas être compatible avec la fonction d’aide de camp, il sera donc « à la suite » de l’état-major.Cette position va lui permettre d’approcher toutes les variantes du commandement. : le 30 mai à Borghetto il commande brillament la cavalerie avec Kilmaine ,successeur de Serrurier. Le 15 juin Bonaparte l’envoya réprimer le soulevement de Gènes, en effet la politique de Bonaparte pour envoyer de l’argent au Directoire ressemblait au pillage en règle des zones occupées, là il exigeait des compensations financières , ailleurs il prenait des œuvres d’art. Cette politique, récusée par Carnot le ministre de la Guerre , provoquait des soulévements anti-français et l’assassinat de nos soldats. C’est dans ce contexte que Murat va réprimer la révolte de Gènes, il fait une telle proclamation, après la lecture de la lettre que lui a donné Bonaparte, alliant la menace et les idées généreuses de la Révolution qu’il obtint la paix du Sénat gènois . Il ira ensuite aider le général Vaubois a s’emparer de Livourne. Revenu auprès de Bonaparte, il participe au siège de Mantoue.
Ironie du sort ou plus vraissemblablement rancœur de Bonaparte pour la conduite de Murat à Paris, quoiqu’il en soit le voici chargé de prendre le fort de Migliaretto avec 800 fantassins placés dans des chaloupes …c’est peut être de là que plus tard il sera nommé Grand Amiral de l’Empire ? En fait l’attaque nocturne est un échec, la faute en retombe sur lui, même si le 18 juillet , deux jours plus tard, il prend cette place en plein jour avec 1000 grenadiers…Le voici fantassin !
Il est aux combats de Lavis sous Vaubois, Bassano, Céréa. En décembre il part à la division Rey avec laquelle il participe à la prise de Monte Baldano et Rivoli en tant que chef de l’avant garde de cette division mais toujours à la tête de fantassins, ensuite il va rejoindre Joubert, venu de l’armée d’Allemagne, la division de cavalerie de reserve de Dugua, à nouveau l’infanterie avec la 3e brigade d’infanterie légère de la 3e division de Bernadotte. Enfin il regagne la cavalerie, toujours sous Bernadotte, et se distingue au passage du Tagliamento en prenant 8 canons et 250 hommes.
Le 17 octobre 1797 la Paix de Campoformio est signée , la campagne terminée.