L'abbé Pessonneaux, par Bernard Got (n° 19)
Rien ne prédestinait Antoine Pessonneaux à la célébrité, même locale qui est la sienne.
Il naît à Lyon au mois de janvier 1761, suit des études religieuses et est ordonné prêtre en 1785, attaché à l'église Saint-Maurice à Vienne . Il exerce son sacerdoce au chapitre de la cathédrale de Vienne dans l'Isère, jusqu'en 1787, puis est professeur au collège de Vienne et conseiller d'arrondissement.
La révolution approche : Antoine Pessonneaux, s'enflamme pour les idées nouvelles. En 1793, il quitte la religion, brûle ses lettres de prêtrise et se sécularise. Ses compétences lui permettent d'obtenir la chaire de rhétorique du collège de Vienne.
Il devient membre de la loge maçonnique comme beaucoup de révolutionnaires. Bon orateur, il intervient lors des fêtes patriotiques et use dès que nécessaire de ses relations politiques.
En 1792, les Marseillais montant à Paris, font halte à Vienne et chantent le "Chant de guerre de l'armée du Rhin" qui est en train de devenir la "Marseillaise". Antoine Pessonneaux entend, écoute et analyse ce chant, il éprouve le besoin de le compléter. C'est alors, qu'il aurait écrit le 7ème couplet "Nous entrerons dans la carrière ..." ce fut un triomphe pour l'ex-abbé, il est ovationné par les spectateurs de sa ville.
Cette même année, le dernier couplet de la Marseillaise était chanté à l'Opéra et la foule recueillie écoutait quand un chœur d'enfants entonna une strophe inconnue :
Nous entrerons dans la carrière, quand nos aînés n'y seront plus, nous y trouverons leurs poussières, et la trace de leurs vertus, bien moins jaloux de leur survivre que de partager leur cercueil, nous aurons le sublime orgueil de les venger ou de les suivre.
Les applaudissements crépitent et l'on demande l'auteur et c'est un professeur au collège de Vienne l'abbé Pessonneaux. Ce couplet devait lui sauver la vie.
Malheureusement, en ces temps troubles, il fut dénoncé comme suppôt des anciennes superstitions et passa devant le tribunal révolutionnaire. La clémence n'était pas la première qualité des jurés, l'avenir était noir pour lui. Il fit front avec courage, parlant de son engagement patriotique et de son œuvre (le 7e couplet de la Marseillaise, qu'il entonna à pleine voix: le tribunal fut médusé, le public applaudissant, il lui fut donné de croire au miracle, car il fut acquitté. Il avait sans doute craint une autre issue, car entré brun en prison, il en ressort blanc.
Serpaize était encore rattaché à Villette en 1800, la commune s'appelait alors Villette-Serpaize devenues depuis Villette-de-Vienne, et Serpaize et bien des hommes célèbres y ont vécus et y sont nés dont l'abbé Pessonneaux.
Rentrant "dans le civil", il devient subsistant militaire ce qui lui donna l'occasion d'acquérir quelques biens.
Rallié au Consulat, il est nommé maire de Chasse sur Rhône. L'Empire ne l'ignora pas, il obtient dans l'administration une place de contrôleur de ville et de navigation, à Givors, ville située sur la rive droite du Rhône, face à Chasse. Il conservera la fonction jusqu'en 1820. Il se retire alors dans le village mitoyen de Chasse, à Seyssuel, où il a une propriété, la Maison des champs", encore visible aujourd'hui. L'actuel propriétaire, en hommage à l'ancien, a baptisé son domaine "Peyssonneaux".
En 1830, il sillonne Vienne toujours tête découverte, son chapeau dans une main, une canne à pommeau d'ivoire dans l'autre. Les dernières années de sa vie se sont passées à Seyssuel dans la 'Maison des champs".
Un peu oublié, l'abbé Pessonneaux, s'éteint à Seyssuel en 1835, où il est enterré dans le cimetière qui est autour de l'ancienne église. Lors de sa démolition au début du siècle, tous les ossements, ceux de Pessonneaux compris, furent regroupés sous la croix centrale du nouveau cimetière.
Ainsi furent remis anonymement les restes d'un notable régional auquel la postérité n'a peut-être pas réservé la notoriété qu'il aurait mérité.
M.C.
(Texte tiré du livre de Monique Cachat : "Petite histoire dans I’ Histoire", publié en 1988 (Histoire de Villette-Serpaize Chuzelles et Illins).